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Centrafrique: le photographe Samuel Fosso raconte incrédule le pillage de sa maison

Centrafrique: le photographe Samuel Fosso raconte incrédule le pillage de sa maison

"Ils n'ont rien laissé. Ils ont même pris mon lit", raconte le célèbre photographe Samuel Fosso, réfugié à Paris, dont la maison a été pillée à Bangui le 2 février et ses archives photographiques saccagées.

Grâce à la sagacité de deux professionnels, un photographe d'Associated Press, Jérôme Delay, et Peter Bouckaert de Human Rights Watch (HRW), une grande partie des archives - 30 ans de négatifs et photos de studio - ont pu être récupérées. Les négatifs originaux de ses travaux personnels sont quant à eux en sécurité chez son tireur à New York.

"Ils ont même descellé le lavabo, ce qui a tout inondé, mes livres, mes papiers... Il ne reste plus rien, ni le portail, ni le toit", ajoute M. Fosso, la voix éteinte, au bord des larmes, assis dans un fauteuil de la galerie de Jean-Marc Patras, son agent, à Paris, où il s'est enfui précipitamment le 7 janvier.

Derrière lui, un des autoportraits en noir et blanc qui l'ont rendu mondialement célèbre et dont bon nombre ont intégré de prestigieuses collections, du Centre Pompidou à Paris au MoMa de New York, en passant par la Tate Gallery à Londres.

"J'ai appris que ma maison avait été saccagée dimanche. C'est le voisin qui a prévenu son grand frère qui m'a téléphoné", explique-t-il.

Pendant le week-end, les milices chrétiennes "anti-balaka" ont repoussé les musulmans du quartier Miskine où vivait Samuel Fosso, 51 ans, ouvrant la voie aux pillages et aux actes de vandalisme en tout genre.

"Toutes mes archives ont été jetées par terre, saccagées, mes négatifs, 20.000 photos de studio de baptêmes, de mariages, mes livres, mes cahiers d'écolier, tout mon patrimoine, 30 ans de vie", soupire le photographe, qui tâche de rester en relation quotidiennement avec son pays.

"On m'avait informé des risques. Les anti-balaka sont rentrés, ils ont commencé à tirer puis ils ont tout saccagé et tout le monde en a profité, tous ont pillé. Ils n'ont rien laissé", poursuit Samuel Fosso, encore sous le choc. Ses voisins ont quitté précitamment leurs habitations, comme lui, "en une semaine".

Né au Cameroun, il vivait à Bangui depuis ses 11 ans, âge auquel il est arrivé en Centrafrique, orphelin de la guerre du Biafra au Nigeria.

Devenu cordonnier puis assistant de photographe, il a rapidement ouvert son propre studio et développé l'art de l'autoportrait, en réfléchissant toujours, dit-il, "à l'humanité, à comment lui rendre hommage, ainsi qu'à l'homme noir".

Parmi les photos saccagées figuraient plusieurs grands formats, a raconté Jérôme Delay dans le New York Times et Le Monde: "Fosso en Haïlé Sélassié, Fosso en Aimé Césaire, Fosso en Miles Davis".

Samuel Fosso avait été découvert à la première biennale de la photographie de Bamako en 1994. Il a présenté sa dernière série de photos, "L'empereur d'Afrique", en 2013 à Lagos.

Hébergé par son agent, il ne souhaite qu'une seule chose, dit-il: "obtenir un visa de trois mois au Nigeria pour aller rejoindre ma femme et mes enfants", quatre fils âgés de 11, 8, 6 et 3 ans.

"Mais jusqu'à présent je n'ai aucune nouvelle, toutes mes tentatives sont restées vaines. Je voudrais simplement que l'ambassadeur ou le consul comprenne que je n'ai pas d'autres revenus que mon art et que mon seul but est de retrouver ma famille", réfugiée au Nigeria depuis juillet dernier.

"J'ai toujours travaillé à la paix, pour que l'Afrique soit un continent comme un autre et peut-être que ça se passera un jour, quand je ne serai plus là. Mon travail est vraiment basé sur la paix, pas sur la politique", souligne-t-il.

Quant à retourner à Bangui, il est plutôt fataliste: "ça se calmera avec le temps. J'ai envie de retourner à Bangui mais la guerre c'est comme le feu, c'est facile à allumer mais difficile à éteindre".

ls/fa/mba

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