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Turquie: la mère d'un manifestant tué demande justice

Turquie: la mère d'un manifestant tué demande justice

La mère d'un manifestant battu à mort lors de la fronde antigouvernementale de juin dernier en Turquie a exigé la "justice" pour son fils lundi à l'ouverture à Kayseri (centre) du procès sous haute tension de ses meurtriers présumés, dont quatre policiers.

Dans un tribunal transformé en camp retranché par les forces de l'ordre, Emel Korkmaz s'est dès le début de l'audience adressée aux huit accusés. "Comment avez-vous pu tuer mon Ali ? Vous n'avez pas honte ?", leur a-t-elle lancé en fondant en larmes.

"J'ai envoyé Ali faire des études à Eskisehir et on me l'a ramené dans un cercueil", a poursuivi Mme Korkmaz, "nous sommes ici pour demander la justice, rien que la justice".

Quelque 2.000 policiers et des canons à eau ont été déployés autour du palais de justice pour assurer la sécurité des débats dans cette affaire, emblématique de la violente répression ordonnée par le Premier ministre Recep Tayyip Erdogan contre les centaines de milliers de manifestants qui ont défié son pouvoir il y a sept mois.

Malgré l'interdiction formelle de manifester imposée par le gouverneur local, plusieurs centaines de personnes ont contourné l'imposant dispositif policier pour défiler dans les rues de la ville en criant des slogans hostiles au gouvernement turc.

"L'Etat assassin va rendre des comptes ! Nous sommes tous unis pour Ali", ont scandé les manifestants, réunis à l'appel de plusieurs partis et associations de gauche.

Le 2 juin 2013, Ali Ismail Korkmaz, 19 ans, a été roué de coups par un groupe de plusieurs individus alors qu'il tentait d'échapper à une charge de la police lors d'une manifestation anti-Erdogan à Eskisehir, une grande ville étudiante de l'ouest de la Turquie.

Victime d'une hémorragie cérébrale, le jeune étudiant a succombé à ses blessures le 10 juillet après 38 jours de coma.

Les huit accusés qui comparaissent depuis lundi ont été filmés par des caméras de surveillance en train de frapper le jeune homme à terre avec des battes de baseball et des matraques. Poursuivis pour "meurtre avec préméditation", ils risquent la prison à vie.

Le procureur a requis lundi des peines allant de huit ans d'emprisonnement à la réclusion à perpétuité contre les accusés, poursuivis pour "meurtre avec préméditation".

Les débats ont débuté lundi dans un climat électrique, alimenté par l'expulsion de la salle d'audience pleine à craquer, dans la plus grande confusion, de trois policiers en civil mais armés venus soutenir leurs collègues mis en cause.

Dès leurs premières déclarations, les avocats, venus en nombre, et les soutiens de la famille de la victime ont donné un tour très politique au procès.

"Cet événement ne peut pas être séparé des manifestation de Gezi. Le pouvoir a eu peur de perdre sa légitimité constitutionnelle et a ordonné une répression massive du mouvement par les forces de l'ordre", a souligné l'un d'eux, Ayhan Erdogan.

Tous ont également dénoncé la décision des autorités de dépayser le procès à Kayseri, à plus de 500 kilomètres du lieu des faits.

"Dans ces conditions, il est impossible de dispenser la justice", a déploré Huseyin Aygun, député du principal parti d'opposition, le Parti républicain du peuple (CHP). "Le déplacement du procès remet en cause sa légitimité", a-t-il déclaré à l'AFP, "la police a tout fait pour disculper les siens en faisant fi de la loi".

L'affaire Korkmaz est l'une des rares procédures judiciaires ouvertes contre les forces de l'ordre turques après la fronde de juin 2013.

Selon l'association des médecins de Turquie, la fronde partie de la place Taksim d'Istanbul avant de se propager à tout le pays, a fait au total six morts et plus de 8.000 blessés. Plusieurs milliers de personnes ont été interpellées.

Le premier grand procès de manifestants, que M. Erdogan avait qualifiés de "vandales", doit s'ouvrir au printemps à Istanbul avec 255 accusés.

L'image du chef du gouvernement a été sérieusement écornée par la répression de ce mouvement, qui dénonçait sa dérive autoritaire et sa volonté d'"islamiser" la société turque. Amnesty International a dénoncé des violations "à très grande échelle" des droits humains.

M. Erdogan, qui règne sans partage sur la Turquie depuis 2002, est à nouveau sérieusement malmené, cette fois par un scandale politico-financier sans précédent qui vise des dizaines de ses proches dans plusieurs enquêtes de corruption.

ba-pa/ml

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