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Anti-IVG, anti-mariage gay, antisémites: le réveil d'une France conservatrice voire réactionnaire

Anti-IVG, anti-mariage gay, antisémites: le réveil d'une France conservatrice voire réactionnaire

Manifestation anti-avortement, slogans antisémites, opposition au mariage homosexuel: une France conservatrice et parfois réactionnaire donne désormais de la voix, rassemblant des foules hétéroclites où s'exprime un rejet viscéral des élites et d'une société dans laquelle elles ne se reconnaissent plus.

Les dernières semaines ont ainsi été le théâtre de manifestations rassemblant catholiques intégristes, opposants au mariage pour les couples homosexuels ou partisans de l'humoriste Dieudonné accusé d'antisémitisme.

Le phénomène traduit "l'impression dominante dans la frange la plus ultra de la droite que la gauche au pouvoir est toujours là pour saper les fondements traditionnels de la société", commente Jean-Yves Camus, un spécialiste de l'extrême droite.

Il y a également une "croyance, assez fermement ancrée au sein de la droite la plus radicale" qu'un gouvernement socialiste ne peut pas être "légitime", souligne M. Camus. Le phénomène n'est pas nouveau et s'était déjà produit lors des arrivées au pouvoir de la gauche dans les années 30 ou en 1981 avec l'élection à la présidence de François Mitterrand.

Dernièrement, cette émergence protestataire s'est traduite par plusieurs manifestations.

Il y a eu d'abord la "Marche pour la vie" des opposants à l'avortement, le 19 janvier à Paris, qui a rassemblé des milliers de personnes, puis le "Jour de colère" le 26 janvier, également dans la capitale, où les appels à la démission du président François Hollande ont fusé, mais aussi des propos antisémites.

"On avait là des slogans antisémites comme on n'en avait pas entendu depuis longtemps", relève Jean-Yves Camus.

Catholiques intégristes, opposants au mariage pour les couples homosexuels, partisans de Dieudonné, des familles ont défilé ce jour-là ensemble, sous une pluie battante. Ils étaient pourtant 17.000 personnes selon la police, 120.000 selon les organisateurs.

"Ce qui est nouveau, c'est cette coalition d'intérêts, plutôt que d'une alliance, qui est en train de se forger entre des gens qui appartiennent aux groupes de l'ultra-droite et les personnes appartenant à la nébuleuse" d'extrême droite, analyse Jean-Yves Camus.

Et il y a enfin ce dimanche la "Manif pour tous" pour dénoncer le mariage gay.

Le caractère hétéroclite de ces protestataires peut s'expliquer, selon M. Camus. "Dans certains milieux musulmans fondamentalistes, ou même chez certains musulmans qui ont une conception très identitaire de leur religion, il peut y avoir une convergence de vues avec la droite radicale, y compris avec les traditionalistes catholiques, sur les problèmes de société, sur les rapports hommes-femmes, sur l'appréhension de la laïcité, sur l'opposition à l'homosexualité".

"Ils s'entendent sur un rejet commun de l'évolution de la société, du pouvoir des élites en général", confirme Eddy Fougier, de l'Institut de Relations Internationales et Stratégiques (Iris).

Pour lui, "il y a une montée très nette du conservatisme dans le pays".

"Les partis politiques semblent totalement dépassés par les événements, le (parti d'extrême droite) Front national compris", souligne le chercheur. "Ils vont essayer de les récupérer (...) mais je ne suis pas sûr que cela soit aussi simple. Les groupes à l'origine de ces mouvements sont très remontés" contre l'ensemble des institutions politiques, voire pour certains contre le fonctionnement de la démocratie.

Les réseaux sociaux servent également de formidable "chambre d'écho" à tous ces mouvements qui, il y a encore peu, imprimaient des tracts de façon clandestine.

La société est en pleine angoisse face aux mutations actuelles, insiste le sociologue Jean Viard. "On a l'impression que l'on subit un tsunami de changement, qu'on ne gouverne pas".

Et puis il y a, selon lui, le "désarroi total" de ceux qui, dans la société, sont "complètement rejetés alors qu'ils ont fait un énorme effort pour y trouver leur place", les conduisant à se retrouver "à un moment dans des niches en bordure du fascisme".

Cette effervescence va-t-elle déboucher sur des convulsions majeures? Jean-Yves Camus admet que la "virulence des slogans" entendus le 24 janvier peut rappeler les années 30, mais il ajoute aussitôt qu'il y avait près d'un million de personnes contre la République lors des émeutes de février 1934.

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