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Le pape François veut une Eglise ouverte et réaliste, selon le jésuite Spadaro

Le pape François veut une Eglise ouverte et réaliste, selon le jésuite Spadaro

"Une ouverture inconditionnelle" du message de l'Eglise "à tous" en prenant en compte la réalité du terrain: Antonio Spadaro, directeur de l'influente revue jésuite Civiltà Cattolica, définit ainsi le coeur de la pensée du pape François, dont il reconnaît qu'elle suscite des "résistances".

Près de la Villa Borghèse, dans un bureau moderne et clair, le père Spadaro, 47 ans, un des hommes qui connaît le mieux le pape jésuite, répond aux questions de l'AFP sur ce qui a vraiment changé dans l'Eglise avec l'élection du premier pape des Amériques.

Alors que Jorge Mario Bergoglio jouit d'une large popularité, beaucoup ont espéré des évolutions doctrinales. Des prélats au Vatican répondent que François a inauguré un style nouveau, mais sans changement sur les dossiers chauds: homosexuels, mariage et divorce, avortement.

"Le pape ne raisonne pas par catégories (....) Pour lui, la chose vraiment importante est que l'Evangile soit annoncé à chacun, quelle que soit sa situation concrète (...) Le changement ou la conversion d'une vie de péché se produisent seulement si le coeur a été touché par l'Evangile", répond ce jésuite alerte au regard noir perçant.

La célèbre phrase de François - "Qui suis-je pour juger?" - a été interprétée comme une tolérance à l'égard des comportements homosexuels.

Pour le directeur de Civiltà Cattolica, "nonobstant quelques exagérations des médias, le pape dit ce qu'affirme le catéchisme à ce sujet. Mais à cela s'unit la forte et pleine conscience qu'il y a un rapport original de chacun avec Dieu".

"Sa vision de l'Eglise hôpital de campagne pendant la bataille s'impose", souligne-t-il, ajoutant que "c'est cette substance que les gens perçoivent".

Il parle du regret de certains catholiques que le pape argentin n'insiste pas assez sur la "défense de la vie", contre l'avortement et l'euthanasie.

"C'est pour lui un thème très important. Toutefois il ne doit pas être énoncé comme principe abstrait, mais placé dans un contexte. La pape a parlé clairement contre l'avortement, et de la défense de la vie dans tous ses aspects, dont la lutte contre la pauvreté, pour défendre le don de la vie", explique-t-il.

Le père Spadaro revient sur la formule fréquemment utilisée par François d'une Eglise "aux portes ouvertes", qui doivent d'abord, dit-il, permettre au message de "sortir". Avec François, se félicite-t-il, "c'est comme si l'Eglise et la place publique n'étaient pas aussi séparées".

Sa manière inattendue de formuler le message évangélique suscite parfois "de fortes résistances" qui "se fondent sur plusieurs peurs", relève le père jésuite. Notamment "que le pape puisse abîmer une certaine image de l'Eglise".

En outre, François "soulève des questions mais ne les définit pas, ne ferme pas les discours. Pour certains, c'est déconcertant".

Le père Spadaro cite le questionnaire sans tabou envoyé à tous les diocèses sur les dossiers délicats de la famille. Il s'agit d'"écouter ce que dit le peuple de Dieu. Le questionnaire a créé un débat. Ensuite, la conclusion ne se décidera pas (au vote) avec une majorité et une minorité, mais les discussions sont ouvertes".

Antonio Spadaro, qui avait mis au point en août avec le pape sa longue interview reprise par les revues jésuites du monde entier, estime que "les catégories continuité/rupture ne sont pas utiles pour le comprendre".

"Les catégories conservateur/progressiste sont aussi inutiles. Est-il conservateur? Non. Progressiste, non", résume-t-il.

Resté pendant des heures avec François pour l'interviewer, Spadaro a observé d'abord "son naturel, sa normalité, sa proximité avec l'interlocuteur".

La prière lui apporte "une profonde paix" lui permettant de "s'immerger dans la réalité: il connait les faits, les journaux, les journalistes, ne vit pas dans une bulle aseptisée".

Des aspects latino-américains frappent aussi Spadaro comme "sa dimension tactile, physique" et "sa manière de procéder par grandes images ressemblant à des vagues successives, plutôt que de manière trop rigide".

"C'est aussi un homme qui estime que la réalité se comprend moins bien à partir du centre que de la périphérie". En cela, le pape de l'hémisphère sud est contre une vision trop "centraliste" de l'Eglise.

jlv/mle/glr

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