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Enquête en France sur les Moudjahidine du Peuple: beaucoup de bruit pour pas grand-chose

Enquête en France sur les Moudjahidine du Peuple: beaucoup de bruit pour pas grand-chose

Rarement coup de filet aura été aussi orchestré que l'arrestation en France en 2003 de plus de 160 membres du groupe d'opposition iranien en exil les Moudjahidine du peuple, mais l'enquête qui s'achève sans grand résultat conforte l'idée d'une opération pour soigner les relations de Paris avec Téhéran.

Malgré quelque 140 tomes de dossier, des investigations de Luxembourg à Dubaï en passant par Amman, ce qu'un enquêteur décrit comme le "grand cinéma" de l'"Opération Théo" du 17 juin 2003 ne débouchera peut-être jamais sur un procès.

Le juge français Marc Trévidic, qui a hérité du dossier en 2009, a clos son enquête fin 2013 et le parquet doit prendre ses réquisitions. Mais dès 2011, le magistrat avait abandonné toute incrimination terroriste, ne conservant que des délits financiers pour neuf des 24 inculpés. Des "collectes de fonds un peu baroques" via l'association Iran Aide, résume un proche du dossier qui n'exclut pas un non-lieu général.

Le non-lieu sur le terrorisme "avait mis fin à plus de huit ans d'instrumentalisation de la justice, pour des motifs politiques que personne ne peut plus contester", dénonce l'avocat Me William Bourdon, qui attend une mesure similaire sur les infractions financières.

En ce 17 juin 2003 à l'aube, rue des Gords à Auvers-sur-Oise, près de Paris, tout avait commencé dans le fracas et les cris. Face au QG de l'OMPI, l'Organisation des Moudjahidine du peuple iranien, les journalistes, prévenus la veille, ne sont pas pris au dépourvu par l'annonce au mégaphone: "C'est la police, nous allons procéder à une perquisition".

A l'intérieur, Afchine Alavi, porte-parole du mouvement en France, ne croit pas à une descente, avant de se retrouver "nez à nez" avec un des 1.300 policiers mobilisés, même si l'inscription un an plus tôt de l'OMPI sur la liste européenne des organisations terroristes augurait de lendemains difficiles. "On était là depuis 1981 avec la bienveillance du gouvernement français et des contacts réguliers avec la DST (le contre-espionnage), l'Intérieur, la présidence...".

Les Moudjahidine "connaissaient bien les mecs venus les arrêter... Ils étaient reçus tous les quinze jours à la DST pour les informer sur ce qui se passait en Iran...", ironise un proche du dossier. Afchine Alavi assure avoir fourni des tuyaux sur l'assassinat à Paris, en 1991, de Chapour Bakhtiar, qui fut le dernier Premier ministre du chah d'Iran.

Toute la journée, en quête d'armes, des cloisons sont vainement sondées, le jardin est creusé. Sont mis en exergue la saisie de huit millions de dollars et de listes de matériel militaire dans la base irakienne d'Achraf, sept communiqués de "revendication depuis la France d'attentats commis en Iran".

Nicolas Sarkozy, alors ministre de l'Intérieur évoque "une organisation terroriste internationale", une "secte parmi les plus brutales et les plus cruelles (...) d'islamistes intégristes doublés des derniers vestiges du marxisme le plus intégriste".

Le secret dont s'entoure l'OMPI, le culte de la personnalité de sa dirigeante Maryam Radjavi, les limitations des libertés de ses militants, ne lui attirent guère la sympathie. "Actes individuels" selon les Moudjahidine, les immolations par le feu qui coûteront la vie à deux Iraniennes, à Londres et Paris, durant la détention de Mme Radjavi, suscitent le malaise.

Mais dès le 2 juillet 2003, dans une décision rarissime en matière d'antiterrorisme, la cour d'appel de Paris remet en liberté onze militants, dont Maryam Radjavi.

La justice française relève en 2011 qu'"aucun élément significatif n'est apparu (...) sur la coloration terroriste" du dossier. Certes, les activités de l'OMPI, qui ne fait pas mystère de sa volonté de renverser le régime, dépassent "la seule sphère de l'action politique" et la vie à Auvers-sur-Oise tient plus de la caserne que du club d'opinion. Mais, écrit la justice, il ne lui revient pas de "décider qu'un mouvement d'opposition est un mouvement terroriste plutôt qu'un mouvement de résistance", surtout quand ses cibles sont institutionnelles.

D'autant qu'en 2008, malgré les efforts de la France, la justice européenne, après la Grande-Bretagne et avant les Etats-Unis, retire l'OMPI de sa liste des organisations terroristes, enlevant aux enquêteurs un argument mis en avant durant la procédure.

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