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L'autre face de la Thaïlande, pro-Shinawatra, clé pour les élections de dimanche

L'autre face de la Thaïlande, pro-Shinawatra, clé pour les élections de dimanche

A Bangkok, la Première ministre, Yingluck Shinawatra, limite ses apparitions publiques pour des raisons de sécurité. Mais dans les vastes campagnes du nord-est du pays, elle et sa famille sont considérées comme des héros.

Honnie par les manifestants qui occupent des quartiers de la capitale thaïlandaise depuis trois mois, elle compte sur le soutien aux législatives de dimanche de ces électeurs acquis notamment grâce à un large programme d'aide au développement de cette région pauvre mais au poids démographique déterminant.

L'Isan, qui abrite un tiers de la population nationale, est la clef du succès électoral des Shinawatra depuis le scrutin de 2001. Celui-ci avait porté à la tête du gouvernement Thaksin Shinawatra, le frère milliardaire de Yingluck, balayé par un coup d'Etat en 2006 mais dont des proches ont occupé son fauteuil depuis.

A Baan Dong Yaang, dans la région d'Udon Thani, en plein coeur de l'Isan, les villageois répètent leur loyauté à Thaksin, en invoquant le développement de la région grâce à lui: subventions aux riziculteurs, couverture maladie universelle, système de microcrédit ou bourses d'études pour les plus pauvres.

"Avant Thaksin, aucun homme politique ne venait ici", explique Somsamai Paporn, 47 ans, qui tient l'épicerie du village et montre fièrement sa collection de T-shirts rouges à l'effigie de Yingluck et de Thaksin. Somsamai est en effet partisane du mouvement pro-Thaksin des "chemises rouges".

"Thaksin a compris notre situation et nous a aidés. Maintenant, nous voulons l'aider", explique-t-elle. Ce milliardaire -- en exil pour échapper à une condamnation pour malversations financières qu'il dénonce comme politique -- cristallise la haine des manifestants.

"Ils disent que les gens de l'Isan sont stupides et paresseux. Mais nous sommes la colonne vertébrale du pays. Nous faisons pousser le riz qui est mangé à Bangkok, nous construisons les beaux immeubles dans lesquels ils vivent", dit l'épicière, les larmes aux yeux.

"Cela fait tellement mal qu'ils nous haïssent. Mais ne vous inquiétez pas, maintenant nous les haïssons aussi", ajoute-t-elle. Les manifestants, qui allient classe moyenne, élites de Bangkok et habitants du sud du pays, fief de riches familles proches de l'opposition, sont prompts à dénigrer le bon sens électoral des "buffles d'eau", comme ils appellent avec mépris les habitants de l'Isan.

Somsamai explique comment un microcrédit de 220 euros en 2006, obtenu grâce à un programme d'aide mis en place par Thaksin dans chaque village, a changé la vie de sa famille. Cela lui a permis de développer son échoppe et de commencer à faire des économies.

La couverture santé universelle, avec ses consultations à 30 bahts (0,75 euro) sont une autre des clefs de la popularité de Thaksin, dont les programmes de développement sont connues sous le nom de "Thaksinomics".

Et leurs effets sont visibles en Isan, où se sont multipliés centres commerciaux, maisons neuves et autres showrooms automobiles. Entre 2001 et 2011, le PIB par habitant a plus que doublé dans la région, passant à 1.085 euros par an. A titre de comparaison, sur la même période, le PIB pour la région de Bangkok est passé de 5.800 euros à 9.550 euros.

Mais les opposants à Thaksin voient en lui une menace pour l'ordre établi, fondé sur une hiérarchie sociale intangible avec comme pierre angulaire la royauté. Ils avancent aussi que les politiques des "Thaksinomics" sont un poids pour l'économie, notamment les coûteuses subventions aux riziculteurs.

Les récents retards de paiement de ce riz acheté par l'Etat au-dessus du prix du marché mondial font d'ailleurs grincer des dents les paysans de l'Isan, mais pas au point de retourner leurs vestes.

Même si le parti au pouvoir remporte dimanche les élections, boycottées par l'opposition, cela ne résoudra pas les divisions profondes dans la société entre pro et anti-Thaksin.

Les manifestations en cours ont conduit à des violences, avec au moins dix morts en trois mois. Si la crise est concentrée à Bangkok, à Udon Thani, Kwanchai Pripana, présentateur radio et figure des "chemises rouges", a été blessé par balles quand sa maison a essuyé une rafale de tirs la semaine dernière.

"Cette fois, nous ne cèderons pas", promet-il sur son lit d'hôpital, disant craindre des troubles si, malgré la victoire électorale du Puea Thai, ses opposants tentent, comme par le passé, de faire tomber le gouvernement par une décision judiciaire.

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