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En Turquie, la campagne électorale des municipales vire à l'aigre

En Turquie, la campagne électorale des municipales vire à l'aigre

A deux mois d'un scrutin municipal très attendu, le débat politique a pris un tour très agressif en Turquie où les polémiques et les incidents violents se multiplient dans un climat de tension exacerbé par le scandale politico-financier qui agite le pays.

En quelques jours, trois des quatre grands partis politiques représentés au Parlement ont été la cible d'attaques qui révèlent l'importance des échéances à venir et la nervosité des camps qui s'y affrontent.

La plus sérieuse d'entre elles est survenue dimanche, lorsque des inconnus ont ouvert le feu contre une permanence du Parti de l'action nationaliste (MHP) dans un quartier d'Istanbul, faisant un mort et sept blessés parmi ses militants.

Le lendemain, des personnes non identifiées ont mis le feu à la voiture d'un cadre du Parti de la justice et du développement (AKP) dans la province d'Hakkari (sud).

Et tard lundi soir, des inconnus ont ouvert le feu, sans faire de victime, sur la mairie du district stambouliote de Sisli. Cette municipalité est le fief de Mustafa Sarigül, candidat du principal parti d'opposition à la mairie d'Istanbul, qui espère bien la ravir au parti du Premier ministre islamo-conservateur Recep Tayyip Erdogan.

Dans la foulée de cette série d'incidents, les attaques ont fusé de toutes parts.

Le chef du MHP Devlet Bahçeli a accusé "ceux qui sont pressés de déclencher une guerre civile dans le pays" d'avoir ciblé son parti, citant les rebelles du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) et le Parti de la justice et du développement (AKP) au pouvoir.

M. Sarigül a lui aussi pointé du doigt la responsabilité du régime. "Nous avons deux points d'avance sur eux dans les sondages. Notre mairie a été attaquée pour ça. Ils croient pouvoir nous intimider et nous faire reculer, mais ils n'y arriveront pas", a-t-il lancé.

La bataille pour la mairie de la plus grande ville du pays concentre toute l'attention. Quel que soit le score national obtenu par l'AKP le 30 mars, son basculement dans le camp de l'opposition aurait un retentissement politique majeur.

"Ce serait un coup de tonnerre dont Erdogan et l'AKP auraient vraiment du mal à se relever", observe un diplomate occidental.

Ancien maire d'Istanbul, le Premier ministre a donc résolument pris la tête des opérations. Eclaboussé par les enquêtes anticorruption, sa cote de popularité en baisse, M. Erdogan a décidé de contre-attaquer sur le même terrain.

Lors de ses réunions publiques, il dénonce devant des milliers de partisans la "corruption" du candidat de l'opposition, mis en cause dans une affaire de remboursement de prêt, et l'a accusé de coopérer avec "la mafia du bâtiment".

Le CHP a riposté en mettant en cause le fils aîné du chef du gouvernement, Bilal, dont le nom a été cité dans l'enquête anticorruption qui fait la "une" de l'actualité turque depuis le 17 décembre. "Je n'ai jamais vu un fils apprendre à son père à voler", a lancé le président du CHP Kemal Kiliçdaroglu, "c'est toujours le contraire".

Le climat est électrique comme jamais. "Il y a toujours eu des dérapages en période électorale mais cette fois, c'est vraiment à couteaux tirés car les enjeux sont énormes", remarque le politologue Cengiz Aktar, de l'université privée Sabanci d'Istanbul, "et la rhétorique du Premier ministre n'y est pas pour rien".

A longueur de discours, M. Erdogan pourfend le "gang" du prédicateur musulman Fethullah Gülen, accusé de vouloir le faire tomber, les médias étrangers qui lui ont donné la parole ou les patrons turcs "traîtres" qui s'inquiètent de la situation économique du pays.

"Erdogan parle comme un parrain de la mafia", s'est offusqué le vice-président du CHP Gürsel Tekin, "si les gens n'avaient pas agi avec bon sens après les attaques (contre le MHP et le CHP), on risquait la guerre civile".

Le gouvernement a promis des mesures de sécurité supplémentaires après l'attaque contre la permanence du MHP. Mais, en baisse dans les sondages, lui-même ne dédaigne pas attiser la tension pour mobiliser son électorat.

"Il est possible que certaines organisations illégales essaient d'influencer le scrutin et de provoquer certains dérapages", a ainsi souligné le vice-Premier ministre Bülent Arinç.

Réputé pour ses outrances verbales, le maire AKP d'Ankara Melih Gökçek est allé plus loin encore. "Malheureusement, il y aura des assassinats dans les deux semaines qui précèdent le scrutin", a-t-il pronostiqué.

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