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En Suisse on discute, en Syrie on meurt

En Suisse on discute, en Syrie on meurt

Le contraste a été saisissant ces dix jours entre Genève où se sont tenus sous les yeux du monde entier des pourparlers de "paix" entre le régime syrien et l'opposition, et la réalité en Syrie où la mort a fauché, loin des caméras, quelque 1.900 personnes.

La présence de près d'une quarantaine de pays, notamment les Etats-unis et la Russie, pour porter sur les fonts baptismaux cette conférence inédite, n'a pu arrêter, même une journée, les combats qui détruisent ce pays de 23 millions d'habitants, dont près de la moitié sont désormais réfugiés ou déplacés.

Selon le directeur de l'Observatoire syrien des droits de l'Homme, Rami Abdel Rahmane, qui dénombre avec minutie depuis trois ans les victimes tuées par balle, à l'arme blanche, sous les bombes, la torture ou la faim, 1.870 personnes sont mortes "entre le 22 janvier et le 30 janvier à minuit, dont 498 civils".

"En outre, 646 rebelles, 208 jihadistes (...), 515 soldats et autres supplétifs loyaux au régime, ainsi que 3 combattants kurdes ont péri durant cette période", selon lui.

Ces combattants sont morts sur différents fronts: loyalistes contre rebelles, rebelles contre jihadistes ou autonomistes kurdes.

"Cela fait une moyenne de 208 morts par jour, et le nombre réel des morts est certainement plus élevé. Le chiffre est effrayant alors que les discussions de Genève II entre le régime et l'opposition étaient censées aboutir à une solution politique", a souligné M. Abdel Rahmane.

Pour lui, "la conférence aurait dû se tenir avec un arrêt total des opérations militaires et des arrestations".

Durant ces dix jours, les combats se sont concentrés dans la région d'Alep, au nord, ainsi que dans et autour de la capitale, sans que les autres provinces ne soient épargnées.

"Pendant Genève II, une pluie de barils d'explosifs nous est tombée sur la tête. Aujourd'hui (vendredi) nous avons reçu au moins 12 barils et hier (jeudi) 20", confie Abou Kinane, un activiste de Daraya, une localité de la périphérie de Damas assiégée depuis un an.

Pour lui cette conférence "n'a abouti à rien. Elle n'a ouvert aucun couloir humanitaire, ni arrêté l'effusion de sang, ni même les bombardements. Je n'ai plus d'espoir dans Genève, ni dans aucune conférence", ajoute le militant dans cette localité soumise à des bombardements quotidiens.

"Pensez-vous que le régime est en train de négocier? Pas du tout. Il est en train d'écraser Daraya sur la tête de ses habitants pour les obliger à capituler ou à accepter une trêve", dit-il.

Le débat sur le siège de la vieille ville de Homs, seule question à caractère humanitaire soulevée durant la conférence, n'a abouti à rien. Le régime, pour montrer que c'est lui qui décide, a laissé entrer de la nourriture dans le camp palestinien de Yarmouk à Damas, sans que cela ne soit débattu en Suisse.

"Comme le régime déclare que tous les habitants de Homs sont des terroristes, même les femmes et les enfants assiégés, il est impossible qu'il permette l'entrée des aides alimentaires", explique à l'AFP Yazan, un militant bloqué dans la vieille ville de Homs, contacté par Internet.

A la demande de l'ONU, le régime avait accepté de laisser sortir les femmes et les enfants qui le voulaient, puis de permettre dans un deuxième temps l'entrée de nourriture dans la vieille ville -- mais les militants souhaitent prioritairement un accord sur la nourriture et la levée du siège.

"Les habitants de Homs refusent l'aide humanitaire sans un accord sur des routes et des couloirs humanitaires permettant aux gens de rentrer et sortir, et ils ne veulent pas de la nourriture qui leur suffit pour deux jours", a-t-il ajouté.

Pour Salman Shaikh, directeur à la Brookings Institute de Doha, "les négociations n'influent pas sur la trajectoire du conflit, ni même sur la situation humanitaire. Le grand défi est de savoir si la diplomatie peut avoir un impact sur la situation. Cela n'a pas été le cas jusqu'à présent, et je pense que si le nouveau round de négociations est mené de la même façon, rien ne bougera".

kam/sk/cnp

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