Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Québec, qui a fermé ses portes en 2021.

Les ONG des droits de l'Homme dénoncent le procès de journalistes d'Al-Jazeera en Egypte

Les ONG des droits de l'Homme dénoncent le procès de journalistes d'Al-Jazeera en Egypte

Les défenseurs des droits de l'Homme s'inquiètent d'un revers "effrayant" pour la liberté de la presse en Egypte, où seront jugés des journalistes d'Al-Jazeera, accusée par les autorités d'avoir pris le parti des Frères musulmans évincés du pouvoir par les militaires.

La chaîne satellitaire basée au Qatar --en froid avec les nouvelles autorités dirigées de facto par l'armée depuis la destitution le 3 juillet du président islamiste Mohamed Morsi-- a dénoncé des "accusations idiotes et infondées" contre ses reporters.

Dès l'annonce du Parquet, Amnesty International a déploré un "revers majeur pour la liberté de la presse" qui "envoie le message effrayant qu'aujourd'hui, une seule version des faits est acceptable en Egypte: celle autorisée par les autorités", alors que le pays est profondément divisé entre partisans des nouvelles autorités et des Frères musulmans qu'elles répriment dans le sang depuis l'éviction du président issu de leurs rangs.

Jeudi, Reporters Sans Frontières, dénonçant un "harcèlement à l'encontre d'Al-Jazeera", estimait que "cet acharnement ne faisait que renforcer ce clivage (...) et décrédibiliser davantage encore les autorités égyptiennes auprès de l'opinion publique internationale".

"Les journalistes ne peuvent pas travailler dans un climat de peur (...) une presse libre est essentielle", renchérissait Amnesty. Car, outre la menace d'un procès, de nombreux journalistes rapportent avoir été pris à partie par des foules les accusant d'être pro-Frères musulmans. Ainsi, la semaine dernière, trois reporters de la chaîne publique allemande ARD ont été attaqués aux cris de "traîtres" et de "suppôt des Frères musulmans".

Mercredi, le Parquet annonçait que "20 journalistes" d'Al-Jazeera seraient jugés: 16 Egyptiens pour appartenance à une "organisation terroriste" et quatre étrangers --deux Britanniques, un Australien et une Néerlandaise-- pour leur avoir fourni "argent, équipements et informations" afin de "diffuser de fausses nouvelles" faisant croire à une "guerre civile" en Egypte.

Al-Jazeera a dénoncé "un affront à la liberté d'expression, au droit des journalistes de rapporter différents aspects des événements et de la population de savoir ce qui se passe".

Trois journalistes d'Al-Jazeera en anglais, l'Australien Peter Greste, l'Egypto-Canadien Mohamed Adel Fahmy et l'Egyptien Baher Mohamed, sont détenus depuis leur arrestation fin décembre dans un hôtel du Caire où ils avaient installé un bureau improvisé.

Dans une lettre écrite depuis sa cellule, M. Greste affirme que "l'Etat ne tolèrera aucune voix dissidente, que ce soient les Frères musulmans ou tout autre critique. Les prisons débordent de tous ceux qui se sont opposés ou ont défié le gouvernement".

Amnesty les a qualifié de "prisonniers d'opinion" mais les autorités égyptiennes soulignent qu'ils travaillaient sans accréditation.

En outre, un haut responsable gouvernemental a accusé Al-Jazeera de suivre "les orientations politiques du Qatar, seul Etat du Golfe à soutenir les Frères musulmans". "Ce ne sont pas des journalistes mais des militants pro-Frères musulmans", a-t-il affirmé à l'AFP, sous le couvert de l'anonymat.

Pour Andrew Hammond, expert au European Council on Foreign Relations, en effet, "Al-Jazeera en arabe --mais pas en anglais-- reflète les positions du gouvernement qatari". Ainsi, sur son antenne, "les politiques et les partis islamistes sont mis en avant", tandis que durant la présidence Morsi, les débats qui agitaient la société égyptienne, notamment les critiques sur la gestion du pouvoir par les Frères musulmans "n'étaient jamais évoqués dans les talk-shows".

Dès lors, lorsque les militaires ont destitué Morsi, les relations entre Le Caire et Doha se sont plus que refroidies. L'Egypte accuse le Qatar de soutenir les Frères musulmans qu'elle a récemment déclarés "terroristes", tandis que le petit émirat gazier reproche aux pays des Pharaons sa violente répression des pro-Morsi qui a fait en sept mois plus d'un millier de morts.

Au début de l'été, quelques heures à peine après l'arrestation du chef d'Etat, plusieurs chaînes disparaissaient des écrans égyptiens, dont celle des Frères musulmans. Deux mois plus tard, la justice entérinait leur fermeture définitive ainsi que celle de l'antenne égyptienne d'Al-Jazeera: Al-Jazeera Mubasher Misr.

Depuis, plusieurs journalistes d'Al-Jazeera ont été arrêtés --deux d'entre eux sont en prison depuis l'été-- et les locaux de la chaîne au Caire ont été perquisitionnés à plusieurs reprises tandis que du matériel était saisi.

Washington a estimé que "le fait que le gouvernement cible des journalistes et d'autres sur des arguments fallacieux" était "une erreur" et la preuve "d'un dédain monstrueux pour la protection des droits fondamentaux".

Ce à quoi le porte-parole des Affaires étrangères égyptiennes, Badr Abdellaty, a rétorqué qu'il était "inacceptable qu'un Etat ou une partie étrangère s'ingère dans les affaires de la justice égyptienne".

jds-sbh-ht/hj

Close
Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Canada, qui ont fermé en 2021. Si vous avez des questions ou des préoccupations, veuillez consulter notre FAQ ou contacter support@huffpost.com.