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Le moteur franco-allemand de l'Europe redémarre, mais ne rugit pas encore

Le moteur franco-allemand de l'Europe redémarre, mais ne rugit pas encore

La "nouvelle donne" promise dans les relations franco-allemandes, qui semble s'illustrer par une plus grande convergence de vues en matière économique et sociale entre les deux principales économies de la zone euro, pourrait se traduire par un élan de la construction européenne, mais les analystes attendent des actes.

Cette convergence s'est manifestée d'un côté par un président socialiste, François Hollande, qui a promis une baisse des dépenses publiques et un allègement des charges des entreprises, de l'autre par une chancelière jusqu'ici adepte de la rigueur, Angela Merkel, qui a annoncé des mesures coûteuses pour renforcer la justice sociale.

Leurs deux gouvernements ont aussi affiché la volonté d'avancer main dans la main sur de nombreux dossiers, de la défense à l'énergie en passant par la fiscalité. L'ambition est de créer "une nouvelle donne", comme l'a dit le ministre français des Finances, Pierre Moscovici et d'"intensifier ce que nous devons et pouvons faire en Europe", selon les mots de son homologue allemand Wolfgang Schäuble.

"C'est une convergence sociale-démocrate qui concilie une politique de l'offre et une réduction des inégalités sociales", résume Claire Demesmay, experte au Conseil allemand des relations internationales (DGAP), un centre de réflexion berlinois, qui estime qu'elle n'est au fond pas vraiment nouvelle.

Pas de quoi susciter la surprise, pour Janis Emmanouilidis, du centre de réflexion European Policy Center, basé à Bruxelles. "On pouvait s'attendre à un rapprochement" après la formation d'un gouvernement de coalition en Allemagne, tout simplement parce que "Berlin n'était pas prêt à faire de grands compromis avec Paris avant les élections". Désormais, les deux gouvernements "savent qu'ils vont devoir interagir pendant plusieurs années", souligne-t-il.

Comment ce rapprochement pourrait-il se concrétiser au niveau européen? Pour cet analyste, il passe par la possibilité de trouver un accord sur le changement de traité, appelé de ses voeux par Angela Merkel, qui "a besoin d'un accord avec Paris avant de le présenter aux autres" pays de l'UE. Mais trouver un compromis entre les deux pays sera "très complexe", reconnaît-il.

"La situation, à la base, reste inchangée" concernant l'approfondissement de l'union économique et monétaire, souligne Mats Persson, directeur du centre de réflexion londonien eurosceptique Open Europe: "l'Allemagne veut plus de surveillance et que l'argent vienne après, la France veut plus d'argent (commun) et la surveillance après".

Quant à un approfondissement de l'Europe sociale, l'accord trouvé entre Paris et Berlin sur les travailleurs détachés en constitue d'ores et déjà un aspect concret.

Mais "est-ce que l'introduction d'un salaire minimum en Allemagne va créer une dynamique? On ne sait pas", reconnaît une source européenne sous couvert d'anonymat, rappelant que "cela fait deux ans que le renforcement de la dimension sociale de l'union économique et monétaire est évoquée" sans vraiment gagner de consistance.

Même chose pour le projet de taxe sur les transactions financières porté par les deux pays, mais qui reste en chantier depuis trois ans, ou concernant l'idée d'une convergence fiscale, remise à l'honneur ces jours-ci et dont Nicolas Sarkozy "avait déjà parlé il y a deux ans", rappelle ce responsable.

"La renaissance du phénix franco-allemand est un phénomène très récurrent", selon lui, et "au-delà des mots, pour les citoyens, elle doit se traduire par des actions qui sont restées pendantes depuis trop longtemps".

Ce qui grippe le moteur franco-allemand, c'est aussi le déséquilibre économique entre les deux partenaires, jugent les analystes. "Les Allemands sont généralement préoccupés par la France. Un responsable allemand me disait récemment que la France les inquiète plus que l'Italie", souligne Mats Persson.

"Paris est très critiqué à Berlin car, du point de vue allemand, le manque de solidité (économique) de la France est préoccupant", renchérit Janis Emmanouilidis.

Au final, "le fait que l'analyse des gouvernements français et allemand soit proche peut faciliter la coopération sur le plan européen, parce qu'on a plus de compréhension pour le partenaire", estime Claire Demesmay.

Mais la convergence tient plus à ce qu'il convient de faire au niveau national, et "il reste sur les grandes questions économiques au niveau européen de grandes divergences de fond", conclut-elle.

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