Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Québec, qui a fermé ses portes en 2021.

Dans la mairie de Kiev, traits tirés et sécurité sur les dents

Dans la mairie de Kiev, traits tirés et sécurité sur les dents

Allongé sur un matelas de fortune, Petro se frotte les yeux gonflés par le sommeil et soupire: "Il faut tenir pour obtenir des résultats". Après deux mois d'occupation de la mairie de Kiev, les traits sont tirés. Et la sécurité est sur les dents.

Des résultats? "La victoire sur ce pouvoir criminel et vivre dans un pays normal à l'européenne", explique Petro, qui confie vouloir "rentrer à la maison".

Cet homme à la stature carrée, originaire de la région de Ternopil, dans l'ouest de l'Ukraine, fait partie des brigades de volontaires qui assurent la sécurité de l'imposant bâtiment sur le boulevard Khrechtchatik, parsemé de tentes érigées par des contestataires. Il alterne, toutes les quatre heures, périodes de garde et de repos.

La mairie de la capitale figure parmi les première "prises" des contestataires ukrainiens. Elle a été occupée le 1er décembre en marge d'une manifestation de centaines de milliers de personnes scandalisées par la dispersion d'un rassemblement d'étudiants sur la place de l'Indépendance.

Les lieux sont aussitôt devenus l'un des "quartiers généraux" du mouvement. Un centre médical improvisé a été monté, et les manifestants arrivés de province ont trouvé un abri pour dormir sur des tapis de gymnastiques déroulés sur les galeries qui surplombent la salle de réception.

Deux mois plus tard, l'organisation est rodée et les locaux continuent d'abriter les manifestants transis par le froid, qui viennent dormir au chaud, soigner un coup de froid, ou suivre les séances du Parlement sur un écran géant.

Mais l'ambiance a changé, suivant la radicalisation de la contestation et son repli derrière les barricades.

Dans l'escalier qui mène à la vaste salle de réception, dominée par les drapeaux du parti ultra-nationaliste Svoboda (Liberté), les barbelés côtoient les guirlandes de Noël héritées des fêtes. Les entrées sont filtrées par des gardiens en treillis et cagoules.

Et pour passer d'un endroit à l'autre, il faut montrer patte blanche et obtenir l'accord du "commandant" des lieux, Rouslan Andriïko, dont le bureau trône sur une estrade, au risque de se faire déloger par un service d'ordre tendu.

"Ils sont fatigués, cela fait deux mois qu'ils sont là", reconnaît M. Andriïko, qui est l'un des responsables des jeunesses de Svoboda.

"Mais nous nous battons pour notre avenir. Si on part maintenant, Ianoukovitch sera au pouvoir éternellement et vivra sous une dictature", assure cet homme de 27 ans, barbe de trois jours, qui répond d'un air résigné aux sollicitations permanentes.

Les forces de l'ordre ont tenté de déloger les occupants de la mairie le 11 décembre. Sans succès: arrosées par les manifestants à l'aide d'une lance à incendie, par une température de -10 degrés, elles ont fini par rebrousser chemin.

Même si la plupart des bureaux administratifs restent accessibles aux fonctionnaires, les autorités fulminent face à l'occupation des lieux mais aussi de la Maison des syndicats, place de l'Indépendance, devenue le siège de l'opposition. Ces derniers jours, les contestataires se sont emparées de la Maison de l'Ukraine, un ancien musée qui servait de base aux policiers à proximité, mais aussi, hors de Kiev, de la moitié des administrations régionales.

Le ministère de l'Intérieur a récemment accusé les manifestants de stocker des armes dans les bâtiments publics, selon lui livré aux groupuscules extrémistes.

Assis par terre, Slava, un jeune homme venu de la région de Lviv, bastion nationaliste de l'ouest, reconnaît que l'ambiance s'est tendue.

"La première fois que je suis venu ici, tout était très organisé, il y avait beaucoup de volontaires", raconte-t-il.

Aujourd'hui, "tous ces masques ne me plaisent pas et cela devient plus compliqué car les gens sont fatigués", poursuit-il.

Pas question pour autant de quitter les lieux: "Il faut agir", tranche-il. "On va gagner".

gmo/bfi/all

Close
Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Canada, qui ont fermé en 2021. Si vous avez des questions ou des préoccupations, veuillez consulter notre FAQ ou contacter support@huffpost.com.