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Turquie : la banque centrale augmente ses taux pour sauver la livre, malgré l'hostilité d'Erdogan

Turquie : la banque centrale augmente ses taux pour sauver la livre, malgré l'hostilité d'Erdogan

La banque centrale turque a décidé mardi soir de procéder à la hausse significative de ses taux d'intérêt attendue par les marchés pour endiguer la chute continue de la livre, contre l'avis du Premier ministre Recep Tayyip Erdogan hostile à cette mesure.

Lors d'une réunion d'urgence de son comité de politique monétaire, l'institution financière a procédé à un changement complet de stratégie et annoncé une augmentation de son taux au jour le jour, qui passe de 7,75 à 12%, et de son taux hebdomadaire repo, poussé de 4,4 à 10%.

Dans un communiqué, la banque a justifié sa décision par la nécessité de "contenir l'impact négatif" des "récents développements intérieurs et extérieurs" sur "l'inflation et la stabilité macroéconomique" du pays.

Ces mesures de "resserrement monétaire seront maintenues jusqu'à une amélioration significative des prévisions d'inflation", a-t-elle ajouté.

L'annonce de la banque centrale a été immédiatement saluée par les marchés, où la livre turque (LT) s'échangeait à 2,1855 LT pour un dollar et à 2,9855 LT pour un euro, en très forte progression par rapport aux planchers historiques de 2,39 LT pour un dollar et 3,27 LT pour un euro atteints lundi à la mi-journée.

Cette décision, réclamée depuis des semaines par les marchés, vient défier la position du gouvernement turc, qui a répété son hostilité à tout recours à l'arme des taux par crainte d'affecter la croissance et de creuser les déficits publics déjà très élevés du pays (+ de 7%).

Juste avant le coup d'envoi de la réunion d'urgence de mardi soir, M. Erdogan avait mis en garde la banque, en principe indépendante, contre les conséquences d'une telle décision.

"Je suis opposé à une hausse des taux d'intérêt, comme je l'ai toujours été", avait-il déclaré à la presse juste avant de prendre l'avion pour une visite en Iran. "Ils seront tenus pour responsables de tout ce qui peut arriver (...) nous allons voir", avait lancé le chef du gouvernement.

Cette mesure a réjoui les analystes, qui considéraient depuis des semaines une hausse des taux comme seule capable de mettre un terme à la chute de la livre, qui commence à sérieusement affecter la bonne santé économique du pays.

"La banque centrale semble maintenant avoir compris le besoin de taux d'intérêt élevés pour combattre la croissance rapide des crédits et les tensions évidentes sur la balance des paiements", s'est félicité Neil Shearing, de la firme londonienne Capital Economics, "c'est bonne nouvelle".

Pour sa part, Gillian Edgeworth, de UniCredit Research, a salué l'indépendance de la banque centrale turque et souligné que sa décision constituait un "revirement".

Dans la matinée, le gouverneur de la banque centrale Erdem Basci avait ouvert la voie à ce changement de pied en assurant que son institution "n'hésitera(it) pas à prendre des mesures durables pour resserrer sa politique monétaire si c'est nécessaire".

Depuis la mi-2013, la livre a perdu plus de 30%.

Frappée comme les monnaies des autres pays émergents par le resserrement de la politique monétaire de la Réserve fédérale américaine (Fed), elle subit de plein fouet depuis plus d'un mois les effets de la crise politique causée par le scandale de corruption qui éclabousse le régime islamo-conservateur, au pouvoir depuis 2002.

Depuis des semaines, la banque centrale a tenté vainement de soutenir la livre en injectant des liquidités par voie d'adjudication. Elle est même intervenue jeudi directement sur les marchés, pour la première fois depuis deux ans, sans plus de résultat.

Malgré le consensus des analystes en faveur d'une hausse des taux, la banque s'était jusque-là refusée à y recourir, sous les pressions répétées du gouvernement.

Depuis des semaines, tous les ministres ont multiplié les mises en garde contre toute hausse des taux, évoquant une crise "passagère".

"L'économie turque est robuste et continue de se développer de façon durable", avait lui-même assuré mardi M. Erdogan devant les députés de son parti.

Nouveau signe de l'urgence de la situation, M. Basci a annoncé mardi une révision à la hausse de sa prévision d'inflation pour l'année 2014, de 5,3% à 6,6%, se rapprochant ainsi des estimations de la plupart des analystes.

Si le gouvernement turc persiste pour l'instant à maintenir à 4% sa prévision de croissance pour 2014, la plupart des analystes l'ont déjà revue à la baisse et anticipent un ralentissement de l'activité. Les plus pessimistes agitent même le spectre de la grave crise financière de 2000-2001, qui avait nécessité une intervention urgente du Fonds monétaire international (FMI).

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