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Pete Seeger, icône de la chanson contestataire américaine

Pete Seeger, icône de la chanson contestataire américaine

Pete Seeger, décédé lundi à New York à 94 ans, partageait avec Woodie Guthrie le rôle de mentor, ou de grand frère, de la chanson protestataire américaine à qui il a su redonner son aura populaire et son importance sociale.

Auteur de "If I had a hammer" (repris en français par Claude François qui en a gommé le côté subversif), Pete Seeger avait été surnommé "le diapason de l'Amérique", c'est-à-dire celui qui donne le ton aux autres, qu'ils s'appellent Bob Dylan, Joan Baez ou le groupe Peter, Paul and Mary.

Sa prégnance sur la chanson américaine et internationale était demeurée vivace. Lors d'un concert organisé à Madison Square Garden pour son 90e anniversaire, Bruce Springsteen l'avait présenté comme "légende vivante de la musique". C'est une "lame cachée" enfoncée "dans le coeur des illusions" américaines, avait-il ajouté, indiquant qu'il "ressemble à votre grand-père qui porterait des chemises en flanelle et de drôles de casquettes".

Ecouter Pete Seeger, lauréat de quatre Grammy Awards, auteur de textes engagés mais aussi de mélodies enfantines et d'hymnes faciles à reprendre, c'est parcourir 75 ans d'histoire américaine, vue par le peuple de gauche: de la Seconde Guerre mondiale à l'écologie d'aujourd'hui, en passant par le maccarthysme, le Vietnam (sans doute l'acmé de la "protest song") et les droits civiques.

Ses chansons, comme "Where have all the flowers gone?", ont fait l'objet de nombreuses reprises et adaptations par des artistes étrangers, notamment en France par Graeme Allwright ou au Chili par Victor Jara. Il contribua aussi à la popularisation en 1966 du standard "Guantanamera".

Accompagné de sa guitare à 12 cordes ou de son banjo à cinq cordes, il s'inspirait du répertoire traditionnel et notamment des spirituals afro-américains. C'est à partir d'eux qu'il composa "We shall overcome", l'hymne du mouvement pour l'égalité des droits.

Né le 3 mai 1919 à New York dans une famille de musiciens, il étudie la sociologie et le journalisme à Harvard, plaque tout, voyage, devient assistant aux archives de folk-song à la Bibliothèque du Congrès à Washington. Là, il fait la rencontre de sa vie: Woodie Guthrie (1912-1967) avec lequel il fonde en 1940 le groupe "The Almanac Singers". Au répertoire: chansons pacifistes au début mais engagées ensuite, en faveur de l'entrée en guerre des Etats-Unis, textes anti-capitalistes, anti-fascistes.

Le groupe ne dure pas longtemps et est remplacé par The Weavers. Pete Seeger, silhouette mince, voix claire, et ses copains jouent lors de meetings ouvriers. Remarqués, ils se produisent au célèbre "Village Vanguard" de New York. "Goodnight, Irene" reste 13 semaines en tête du hit-parade.

Durant le maccarthysme, Pete Seeger est poursuivi en justice pour avoir refusé de témoigner devant le Congrès au sujet de son appartenance, depuis 1940, au Parti communiste. Il est condamné à un an mais sa peine est annulée en appel.

Il entreprend ensuite une carrière solo à travers les Etats-Unis, devenant une icône sur les campus où, dans les années 60, les jeunes générations se réapproprient la folk-song. Il se lie d'amitié avec Martin Luther King.

En 1965, au Festival de Newport (Rhode Island, nord-est), dont il fut l'un des fondateurs, il est furieux de voir Bob Dylan brancher sa guitare sur un amplificateur pour interpréter "Like a rolling stone", prenant ainsi son tournant rock sous les huées des amateurs de folk. En 1969, il contribue à construire un voilier appelé "The Clearwater" afin de servir comme "école flottante" en faveur du nettoyage des eaux de l'Hudson. En 2009, il entonne sur scène le célèbre "This land is our land" lors du concert inaugural à Washington du premier mandat de Barack Obama.

"Les chansons ne sauveront pas la planète. Les livres et les discours non plus! Mais elles peuvent franchir les frontières". Dans d'autres interviews, le vieux gauchiste au crâne dégarni et à la barbe blanche se montrait plus optimiste et croyait dans le pouvoir des chansons et de la culture pour changer le monde.

ccd/sam

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