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Une bourgade des Philippines au coeur d'un réseau de pédophilie par internet

Une bourgade des Philippines au coeur d'un réseau de pédophilie par internet

Dans une bourgade isolée du centre des Philippines, les enfants d'une garderie jouent sans se douter que la maison voisine abritait les activités d'un réseau de pédophilie, qui obligeait des tout jeunes à se livrer à des activités sexuelles devant une caméra web.

Des scènes similaires se déroulaient dans plusieurs maisons d'Ibabao, une petite ville de l'île de Cebu (centre), où certains des 5.000 habitants exploitaient ainsi leurs enfants, une activité plus rémunératrice que la pêche ou l'usine.

"Au début (des révélations), j'étais en état de choc. Je ne pensais pas qu'une telle chose puisse se produire dans ma ville", déclare à l'AFP le maire, Adelino Sitoyn.

Mi-janvier, les polices des Philippines, de Grande-Bretagne et d'Australie annonçaient qu'une enquête internationale avait permis de démanteler un réseau qui diffusait via internet des scènes de sévices sexuels imposés à des enfants philippins, pour le compte de pédophiles dans plusieurs pays.

La ville est au centre de ces révélations, mais des défenseurs des droits des enfants et les autorités soulignent que cette "industrie" s'est propagée à plusieurs régions pauvres de l'archipel et que des milliers d'enfants en sont victimes.

Ibabao est à première vue une petite ville assoupie au bord de la côte, dont les habitants de maisonnettes de briques et de bois se connaissent tous.

Le maire explique l'existence d'un tel réseau par la situation isolée de Ibabao et parce que des proches de certains élus étaient impliqués dans ces actes criminels.

L'opération menée par les polices de plusieurs pays a démarré en 2012, après la découverte d'images obscènes dans l'ordinateur d'un pédophile britannique, avait expliqué l'Agence du crime britannique.

Aux Philippines, la police a mené plusieurs raids à Ibabao et d'autres communautés.

En septembre, elle a arrêté un couple qui soumettaient ses enfants de trois, neuf et onze ans à de telles pratiques, dans un bungalow voisin du jardin d'enfants d'Ibabao. Deux jours plus tard, 13 autres enfants de la bourgade ont été secourus.

Les habitants se méfient des journalistes mais plusieurs ont accepté de répondre aux questions de l'AFP, sous couvert d'anonymat.

Si ces "antres du cybersex" ont pu fonctionner aussi longtemps, c'est par peur de représailles en cas de dénonciation et parce que les Philippins n'ont pas l'habitude de se méler des affaires des voisins, indiquent-ils.

Jennifer Canete, 38 ans, veut témoigner à visage découvert et confirme que plusieurs habitants étaient impliqués dans ce trafic.

"Nous étions furieux que de telles choses puissent se passer, à proximité du jardin d'enfants", dit-elle. "J'avais peur, nous ne savions pas ce qui pourrait se passer avec nos enfants qui allaient à l'école car beaucoup +faisaient ça+".

Les autorités ne savent pas quand ces activités ont démarré à Ibabao. Selon des travailleurs sociaux, une Philippine venue d'une autre région s'est installée dans le village il y a quelques années et a initié des parents à cette pratique qui leur permettait de gagner de l'argent rapidement.

La femme, soupçonnée d'appartenir à un réseau criminel, a montré comment chercher sur internet des clients potentiels et comment se faire payer, toujours via internet.

Certains attiraient des amis de leurs enfants et menaçaient de s'en prendre à leurs parents s'ils racontaient les sévices qu'ils subissaient, selon ces travailleurs sociaux.

Une mère a dit à l'AFP qu'un voisin lui avait vanté cette activité en lui promettant quelque 100 dollars la session, si elle acceptait d'y soumettre son enfant. Une fortune dans cette région où le salaire journalier minimum est de 7 dollars US.

Le voisin a tenté de la convaincre en soulignant qu'il n'y avait aucun contact physique entre l'enfant et le pédophile, a-t-elle ajouté.

"J'étais en colère. On nous a toujours enseignés d'aimer et protéger nos enfants", a-t-elle dit. "Nous ne sommes pas riches. Mais nous ne sommes pas pauvres non plus, ni désespérés. (Faire une telle chose) est diabolique".

Elle n'a dénoncé personne et s'est contentée d'éviter de croiser les personnes impliquées, pour ne pas avoir d'ennui.

Onze personnes ont été arrêtées aux Philippines et 18 autres dans le monde, tandis que 733 autres font l'objet d'une enquête, a indiqué en janvier l'Agence du crime britannique.

Il ne s'agit certainement que du sommet de l'iceberg et l'Agence a qualifié les violences sexuelles sur mineurs dans les pays en développement de "menace significative et émergente".

"L'extrême pauvreté, la disponibilité croissante d'internet haut débit et l'existence de nombreux riches consommateurs étrangers conduisent le crime organisé à exploiter des enfants pour des gains financiers", a-t-elle averti.

L'ONG Terre des Hommes estime que dans les seules Philippines, "des dizaines de milliers" d'enfants sont exploités dans l'industrie du cybersexe.

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