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Thaïlande: la corruption au coeur de la colère des manifestants antigouvernement

Thaïlande: la corruption au coeur de la colère des manifestants antigouvernement

Les accusations de malversations contre l'ancien Premier ministre thaïlandais Thaksin Shinawatra sont le cheval de bataille des manifestants antigouvernement dans la rue depuis des semaines, qui reconnaissent que si la corruption est chronique dans le royaume, le milliardaire et sa famille ont dépassé les limites.

Les relations entre la population et la corruption sont complexes dans un pays marqué par une piètre gouvernance, des réseaux opaques de clientélisme politique et la généralisation des pots-de-vin.

Et les manifestants dans la rue depuis l'automne pensent que Thaksin --renversé par un coup d'Etat en 2006 mais qu'ils accusent de contrôler sa soeur, la Première ministre Yingluck Shinawatra-- a rompu le contrat tacite lié à la corruption, estime le commentateur politique Voranai Vanijaka, du quotidien Bangkok Post.

"Les Thaïlandais sont pragmatiques (...). Nous comprenons que tout le monde prenne une part du gâteau", commente-t-il. "Le problème avec Thaksin, c'est qu'il a mis un panneau sur tout le gâteau disant +propriété de la famille Shinawatra+ (...). C'est dangereux de faire ça ici".

Les manifestants mettent en avant les accusations de malversations de l'empire Shinawatra, mais aussi les politiques en faveur des plus pauvres, comme les aides aux riziculteurs, et de supposés "achats de voix" massifs qui selon eux expliqueraient la victoire du camp Thaksin à toutes les législatives depuis plus de dix ans.

"Thaksin a trop pris et sa grande erreur est qu'il l'a fait ouvertement", martèle Rocky, manifestant de 24 ans.

Les meneurs du mouvement ont exploité cette indignation d'une partie de la population pour présenter leur combat comme une croisade contre la corruption, tout en demandant le soutien de l'armée et des institutions indépendantes dans l'espoir d'empêcher les législatives anticipées du 2 février, dont le parti de Yingluck est encore favori.

Thaksin, qui divise profondément la société entre masses rurales et défavorisées du nord et du nord-est qui l'adorent, et élites de Bangkok gravitant autour du palais royal et habitants du sud qui le haïssent, vit en exil pour échapper à une condamnation à deux ans de prison pour malversations financières.

En 2010, la justice avait également confisqué 1,4 milliard de dollars, soit environ la moitié de sa fortune, pour fraude fiscale liée à la vente de son groupe de télécommunications lorsqu'il était Premier ministre.

Thaksin proclame lui son innocence, dénonçant des décisions politiques et des manoeuvres de ses ennemis.

Les meneurs des manifestants "utilisent les accusations de corruption pour attirer la foule", dénonce le conseiller du milliardaire Noppadon Pattama. "Accuser la famille Shinawatra de monopoliser la corruption est totalement infondé".

Dans un pays où l'élu le plus ouvertement engagé contre la corruption, Chuvit Kamolvisit, est un ancien roi des salons de massage qui reconnaît en avoir longtemps profité, peu sont les politiques qui apparaissent blancs comme neige.

Même Suthep Thaugsuban, principal meneur du mouvement, a fait face par le passé à des accusations de corruption.

Au milieu des années 1990, alors ministre, il avait été soupçonné d'avoir abusé d'une loi foncière ayant conduit à ce que des terres destinées à des pauvres soient redistribuées à des riches. Un scandale qui avait provoqué la dissolution du parlement.

Mais sa réinvention en tant que héros anticorruption est peut-être un signe d'un rejet plus large de cette pratique par la population.

"Suthep n'est pas parfait (...) mais il a changé", note Amonrat Kridakon, manifestant de 78 ans. "C'est Thaksin le problème".

La Thaïlande pointe à la 102e place sur 177 pays au dernier classement de Transparency International sur la perception de la corruption dans le secteur public.

Et selon une nouvelle étude de l'Université de la Chambre de commerce thaïlandaise, les entreprises paient 25 à 35% de la valeur des contrats en pots-de-vin aux fonctionnaires, contre 5 à 10% en 1990.

"Peut-être qu'avant les Thaïlandais payaient pour que quelque chose soit fait plus vite (...). Il y avait une +tradition+ de corruption", explique Thanavath Phonvichai, professeur à cette université.

"Mais les manifestants réalisent que tout doit changer. Ils ne le supportent plus".

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