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Tropicale Amissa Bongo: la fragile émergence du cyclisme africain

Tropicale Amissa Bongo: la fragile émergence du cyclisme africain

Victoires et podiums de coureurs sur le circuit professionnel, nombre croissant d'inscrits dans le peloton: le cyclisme africain émerge petit à petit du néant mais les progrès sont difficiles et les résultats fragiles.

Avec deux victoires d'étapes sur la Tropicale Amissa Bongo, au Gabon, et un coureur sur le podium final, l'Erythréen Natnael Berhane, le continent noir confirme que ses coureurs sont devenus compétitifs. "L'Afrique émerge. Les progrès sont énormes", se réjouit Bernard Hinault, quintuple vainqueur du Tour de France et ambassadeur de la Tropicale.

"Il y a six ans sur la Tropicale, les Africains avaient du mal à suivre le train des Européens. Ils étaient souvent lâchés. Aujourd'hui, non seulement tout le monde suit mais ils gagnent des étapes. Le niveau moyen a monté", confirme Richard Virenque, invité d'honneur sur la course, 8 ans après sa première visite.

Jean-René Bernaudeau, le directeur d'Europcar, en est tout aussi convaincu, lui qui a recruté Berhane, promis semble-t-il à un grand avenir, et qui suit de près le Burkinabè Rasmané Ouedraogo.

"Ca progresse mais c'est fragile. Il suffit qu'il n'y ait plus la Tropicale pour que tout s'arrête", estime Bernaudeau. "Il y a autant de talent qu'ailleurs mais il faut créer un parcours, des épreuves pour détecter le talent. Il y a du potentiel mais il faut des courses. C'est à l'UCI de lancer le chantier".

L'Union cycliste internationale a mis en place un Centre mondial du cyclisme à Aigle (Suisse), accueillant une vingtaine de pensionnaires africains.

"Au lieu de multiplier les épreuves de World Tour qui puisent dans des équipes déjà très sollicitées, on ferait mieux de suivre notre format qui est un format de développement du cyclisme en Afrique", estime Philippe Crepel, directeur de la Tropicale. "Cela permettrait de faire émerger de nouveaux talents".

L'Algérien Youcef Reguigui, pro dans l'équipe sud-africaine MTN et passé par Aigle, renchérit: "C'est difficile de passer pro en Afrique parce qu'il n'y a pas de courses internationales pour élever le niveau".

Au delà de la méthode, les moyens manquent cruellement. Comme bien d'autres sports, le cyclisme africain est désargenté et désorganisé. Les fédérations sont affaiblies et les clubs démunis dans un continent qui peine à sortir de la pauvreté et dont les gouvernements ont bien d'autres priorités.

"Un vélo ca coûte cher", relève Hinault. "Pour jouer au foot, t'as besoin d'un short, de chaussures et d'un ballon. D'ailleurs, le problème est le même en France dans les banlieues".

Le Sud-Africain John-Lee Augustyn fait le même constat: "C'est cher et beaucoup de Sud-Africains n'ont pas les moyens. C'est dur pour les Sud-Africains noirs. Certains sont très forts mais ils ont peut être du mal pour trouver des sponsors à petit niveau. Et puis certains doivent considérer que c'est un sport de riches, pas comme la course à pied ou le foot. Il faudrait qu'un gars issu des ghettos perce pour que ça en inspire d'autres".

C'est plus compliqué encore lorsqu'il faut s'expatrier, trouver un logement, s'éloigner de ses proches pour des revenus au départ qui ne sont pas forcément mirobolants.

"Tu dois venir ici seul. Tu dois changer ta culture, apprendre une langue. Si tu es marié à une Africaine ce n'est pas possible", insiste Augustyn, qui vit en Italie et est marié à une Italienne.

Tous les coureurs pointent enfin les problèmes administratifs dans une Europe pas forcément très accueillante en ces temps de crise. "Il te faut un visa Schengen. C'est difficile. Si tu l'as, alors tu peux courir toute l'année en Europe, mais après si tu veux aller ailleurs...", explique Reguigui.

Mais l'Algérien veut rester optimiste: "On travaille dur. Beaucoup. On est motivé. Pourquoi un Africain ne gagnerait-il pas un Giro ou un Tour de France à l'avenir?".

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