Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Québec, qui a fermé ses portes en 2021.

La Chinoise Mme Ye, SDF après 17 ans à chercher son fils kidnappé

La Chinoise Mme Ye, SDF après 17 ans à chercher son fils kidnappé

Pour retrouver son enfant kidnappé, Ye Jinxiu a sacrifié son mariage, sa maison et sa famille. Mais quand elle a enfin retrouvé son fils, après une quête de 17 ans, celui-ci désormais adulte lui a tourné le dos.

Le drame qu'elle a vécu est emblématique d'une question douloureuse qui taraude la société en Chine, où les enlèvements de mineurs sont un fléau encore bien réel, malgré les moyens puissants dont dispose la police.

Aujourd'hui âgée de 59 ans, sans domicile et dotée d'une santé précaire, Mme Ye erre dans les rues de la ville méridionale de Fuzhou, à la recherche d'autres familles qu'elle aimerait aider à retrouver leur enfant.

Des efforts qu'elle sait consacrer à une cause presque toujours perdue.

Des dizaines de milliers d'enfants, la plupart de sexe masculin, sont enlevés chaque année en Chine. Cette pratique criminelle est alimentée par la politique restrictive de l'enfant unique, le déséquilibre démographique entre les deux sexes et le fait que les foyers ruraux tendent à privilégier les garçons, pour des raisons ancestrales et pour le soutien de la famille.

Cet sujet a été illustré cette semaine par la condamnation à la peine de mort avec sursis d'une femme médecin qui avait enlevé des nourrissons avant de les vendre à un réseau de trafiquants.

"Avoir son enfant enlevé est pire que d'avoir son coeur arraché", confie Ye Jinxiu. "Si votre enfant est kidnappé et non retrouvé, votre coeur saigne chaque matin au réveil, rien que d'y penser".

Elle s'exprime face à une grande pancarte qu'elle a installée devant un arrêt de bus, intitulée "disparus" et présentant les images d'enfants joufflus recherchés.

La Chine ne publie pas de chiffres officiels sur le nombre d'enfants enlevés, mais les autorités affirment en avoir sauvé 24.000 au cours des dix premiers mois de 2013. Soit forcément une fraction du nombre total des cas.

Beaucoup sont kidnappés dans les régions rurales pauvres de l'intérieur du pays et vendus à des familles plus riches de la côte orientale, comme la province du Fujian où vit Mme Ye, explique Deng Fei, un journaliste de Pékin qui emploie son énergie à aider aux recherches des enfants.

Les bambins des campagnes sont selon lui d'autant plus vulnérables que leurs parents ont souvent émigré dans une autre région pour travailler et qu'ils sont placés sous la garde de leurs grands-parents, affaiblis par l'âge.

Deng Fei pense que les enfants s'échangent pour quelques dizaines de milliers de yuans chacun, soit quelques milliers d'euros, même si les estimations sont difficiles à faire.

Sur un site internet bien connu, pas moins de 14.000 familles ont publié des avis de recherche.

Mais la police refuse parfois d'ouvrir des enquêtes, convaincue que ce type d'affaires ne peut que faire chuter ses taux d'élucidation. Et des familles qui ont acheté des enfants ne sont volontairement pas inquiétées, souligne Deng.

Il arrive même que la famille de l'enfant soit impliquée dans la transaction illégale. Il y a deux mois, la presse a ainsi rapporté le cas d'un couple de jeunes Chinois suspecté d'avoir vendu leur fille pour s'acheter un iPhone.

Yang Jing, une mère de 35 ans de la province du Sichuan (sud-ouest du pays), a elle relaté à l'AFP avoir passé 13 ans à essayer de récupérer son fils après qu'il eut été vendu à un riche couple de l'est de la Chine par son propre mari.

"On m'a affirmé que cela ne pouvait pas être considéré comme un enlèvement, car le père avait donné son accord".

Mme Ye assure avoir sillonné plus de dix provinces après la disparition de son garçon de 6 ans en 1993, finançant ses déplacements en ramassant des ordures, en faisant la plonge et en dormant dans les jardins publics. Et en s'endettant malgré tout.

Elle affirme avoir localisé en 1995 la maison de l'auteur de l'enlèvement, mais les autorités n'ont selon elle agi qu'après des années de pression. En 2000, trois hommes du réseau ont été condamnés à des peines de prison ne dépassant pas trois ans et, dix ans plus tard, la police a retrouvé son enfant, Lu Jianning.

La nuit précédant leurs retrouvailles, Ye Jinxiu n'a pas fermé l'oeil. Le moment arrivé, son fils n'a pas daigné l'embrasser. Puis il a vécu un an avec sa mère, qui s'est encore davantage endettée pour lui payer des études. Il est enfin reparti et n'a pas donné de nouvelles depuis deux ans. "Sa vie lui appartient", glisse Mme Ye.

cdh-seb/cac

Close
Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Canada, qui ont fermé en 2021. Si vous avez des questions ou des préoccupations, veuillez consulter notre FAQ ou contacter support@huffpost.com.