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A Burgos, "l'étincelle qui a mis le feu aux poudres"

A Burgos, "l'étincelle qui a mis le feu aux poudres"

"Ce boulevard, c'est l'étincelle qui a mis le feu aux poudres parce que les gens en ont marre de la corruption et du chômage", s'insurge Daniel Garcia, un habitant de Burgos, contre le chantier à l'origine d'une flambée de colère dans cette ville du nord de l'Espagne.

Avec quelques voisins, ce chômeur de 26 ans tient un "refuge" installé sous des bâches bleues tout près des travaux de la rue Vitoria, une artère du quartier populaire de Gamonal bordée d'immeubles de briques sombres, dans cette ville de 170.000 habitants.

Dans ce campement rappelant ceux du mouvement des indignés, qui avaient fleuri à travers l'Espagne au printemps 2011, se relaient depuis lundi des opposants au projet de rénovation de la rue, d'un coût de huit millions d'euros, pour tenter d'empêcher la poursuite du chantier.

"Les voisins nous apportent à manger, du café pour tenir toute la journée car il pleut et il fait très froid", ainsi que des fonds pour payer les cautions imposées aux manifestants placés en liberté provisoire, raconte Daniel.

C'est là que des milliers d'habitants organisent chaque soir, depuis le 10 janvier, des manifestations, certaines émaillées d'incidents, qui se sont soldées par plus de quarante interpellations jusqu'à la suspension du chantier mardi. Jeudi soir, ils étaient encore des milliers à manifester à grands coups de sifflets pour exiger le retrait pur et simple du projet.

Et le mouvement s'est étendu mercredi à d'autres villes, comme Valadollid et Oviedo, dans le nord, Séville, dans le sud de l'Espagne, et Madrid, où des incidents ont éclaté entre forces de l'ordre et jeunes. Jeudi, d'autres rassemblements étaient prévus dans plusieurs villes d'Espagne.

Personne n'aurait pu imaginer que le creusement d'un parking et le passage de quatre voies à deux voies déclencherait des violences comme celles qui ont éclaté vendredi dernier dans cette ville réputée tranquille et conservatrice.

"C'est que le problème, ce n'est pas le boulevard. Derrière, il y a de la rage, il y a du chômage, il y a du désespoir. Le quartier a décidé de lutter contre une caste d'entrepreneurs et de politiques. Il faut nettoyer notre pays de la corruption", affirme Angel Barredo, retraité de 71 ans devenu l'un des porte-parole du mouvement.

"Le boulevard, c'est la mèche", juge aussi Iñaki Velasco, un collégien de 16 ans venu soutenir les habitants, dénonçant comme tous les autres ce coûteux projet, "alors qu'ils ont fermé une crèche parce qu'ils n'avaient pas les 13.000 euros pour la rénover".

En ligne de mire, le maire de droite de la ville, Javier Lacalle, accusé d'avoir fait la sourde oreille aux manifestations pacifiques contre le projet, et Miguel Mendez Pozo, un homme d'affaires passé par la prison, promoteur immobilier et également présent dans la presse régionale.

Les habitants y voient le symbole des abus de la bulle immobilière qui a éclaté en 2008, précipitant le pays dans la crise et faisant bondir le chômage à plus d'un quart des actifs.

Le boulevard, "c'est la goutte d'eau qui a fait déborder le vase", estime aussi Nerea Perez Arnaiz, une chômeuse de 32 ans, écrivant une affiche de soutien aux manifestants arrêtés.

"Ils se moquent de notre sort. Nous sommes des ouvriers, nous vivons le chômage, les expulsions de nos logements. Nous ne voulons pas d'un boulevard, nous voulons des garderies, l'éducation, la santé", affirme-t-elle.

Le porte-parole de la région de Castille-et-Leon, José Antonio de Santiago Juarez, a reconnu jeudi devant la presse que ce mouvement de colère traduisait "un rejet profond" de la classe politique.

Le gouvernement conservateur de Mariano Rajoy et les 17 régions d'Espagne ont opéré depuis deux ans des coupes claires dans les dépenses publiques pour réduire les déficits galopants du pays.

Mais à Gamonal, les habitants ont le sentiment que les plus démunis paient un lourd tribut, alors que "la classe politique continue de profiter du système".

"L'objectif est d'étendre le mouvement pour dénoncer la corruption, le démantèlement des structures sociales. J'espère que d'autres villes vont suivre", dit Angel Barredo.

ib/sg

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