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Les Jordaniens achètent des armes par peur d'une propagation du conflit syrien

Les Jordaniens achètent des armes par peur d'une propagation du conflit syrien

Les ventes d'armes ont explosé en Jordanie en raison de la crainte d'une propagation du conflit en Syrie voisine, entraînant une multiplication des prix par dix.

"Depuis que les violences ont commencé en Syrie il y a trois ans, la demande d'armes est devenue très forte", affirme à l'AFP Abou Samaan, un armurier du centre d'Amman.

"Les gens ont peur et ils veulent protéger leur vie et leurs biens", ajoute cet homme de 68 ans, habillé d'un treillis.

Selon une estimation du ministère de l'Intérieur, si quelque 120.000 armes sont possédées légalement, plus d'un million serait en fait en circulation dans ce pays de sept millions d'habitants.

Une étude de la Société jordanienne des sciences politiques affirme même que 25% des Jordaniens possèdent des armes.

"Avec le conflit en Syrie, les gens ne se sentent pas en sécurité. Ils ignorent ce qui va se passer dans le futur", confirme à l'AFP Seri Nasser, professeur de sciences politiques à l'Université de Jordanie.

Outre la proximité du conflit, de nombreux Jordaniens se sentent en danger en raison de la présence de 500.000 réfugiés syriens dans le royaume, dénonçant le poids qu'ils représentent sur l'économie déjà exsangue du pays et ses faibles ressources en eau et en énergie.

"Les Jordaniens achètent des armes pour se protéger, parce qu'il pensent que les forces de sécurité sont incapables" de le faire, ajoute M. Nasser.

Inquiet de ce phénomène, le gouvernement a interdit l'octroi de nouveaux permis de port d'armes et le renouvellement de ceux expirant.

Selon Abou Samaan, un armurier, "la très grande demande, en particulier pour les armes automatiques, qui sont devenues rares sur le marché, a conduit à une forte hausse des prix des armes en général".

Et les acheteurs n'ont pas été découragés par les prix, même s'ils ont décuplé par rapport à il y a trois ans.

Un pistolet Browning M9 est ainsi passé de 200 dinars jordaniens (206 euros) à plus de 1.800 dinars, et le prix pour une AK-47 automatique a grimpé de 200 dinars il y a deux ans, à 3.000 dinars aujourd'hui.

Selon Rasmi Abdallah, un chasseur de 47 ans, les gens préfèrent acheter des fusils et des pistolets M7 en raison de leur relatif bas prix, les pistolets les moins chers commençant à 600 dinars.

Avec la perspective d'alléchants profits, la contrebande a explosé.

Le mois dernier, les gardes-frontières jordaniens ont ainsi annoncé que la contrebande d'armes entre la Jordanie et la Syrie avait augmenté de 300%, précisant avoir déjoué des centaines de tentatives de trafic.

"Il existe 95 magasins de vente d'armes autorisés en Jordanie, mais il est difficile de déterminer le nombre d'autres vendeurs d'armes, en particulier avec le niveau actuel de contrebande", a indiqué à l'AFP une source au sein des services de sécurité.

Mais ce business a élu domicile sur l'internet via Facebook, où des milliers de personnes essaient de vendre ou acheter des armes sur un site de petites annonces.

Si le ministre de l'Information Mohammad Momani déplore ce phénomène, il assure cependant que "les forces armées jordaniennes sont capables de contrôler la situation et (que) le gouvernement surveille de près toutes les activités illégales".

La police a annoncé pour sa part samedi avoir fait une descente sur un site de production illégale d'armes dans la ville d'Irbid (nord) et arrêté plusieurs personnes.

Des dizaines d'hommes ont par ailleurs été arrêtés pour avoir tenté d'entrer en Syrie pour combattre avec les forces rebelles.

"Il y a des centaines, peut-être des milliers, d'extrémistes musulmans combattant en Syrie. La plupart d'entre eux sont jordaniens", affirme Abou Omar, un client dans un magasin d'armes d'Amman.

"Alors, qu'ils perdent ou qu'ils gagnent, les gens ici veulent être prêts", ajoute-t-il.

Le gérant du magasin note que les motivations des Jordaniens ont changé.

"Par le passé, les Jordaniens achetaient des armes pour frimer. Maintenant, ils achètent des armes (...) pour leur protection", indique-t-il.

"Et les prix élevés n'empêcheront pas les gens d'acheter des armes tant que la situation en Syrie demeure dangereuse et imprévisible", note le gérant, reconnaissant que les affaires sont bonnes.

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