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Seif, un militant syrien anti-régime miraculé des geôles jihadistes

Seif, un militant syrien anti-régime miraculé des geôles jihadistes

La famille de Seif, un militant anti-régime syrien enlevé par des jihadistes en novembre, était sure de ne jamais le revoir, mais le jeune homme a eu la vie sauve grâce à la récente offensive rebelle contre ses geôliers.

Quand ce survivant de 22 ans a retrouvé lundi ses parents en Turquie, "ils ont cru voir un revenant, car mes ravisseurs leur avaient dit que j'avais été exécuté, et ils avaient déjà récité la prière des morts", raconte-t-il à l'AFP via internet.

"L'Etat islamique en Irak et au Levant (EIIL) m'avait condamné à mort, sans bien sûr de procès équitable. Le juge (jihadiste) tunisien a fait quelques pas dans la pièce avant de prononcer sa sentence. Il m'a condamné à la peine capitale car ce jour-là il était de mauvaise humeur", assure le jeune homme.

Étudiant en droit à l'université d'Alep avant le début du soulèvement en mars 2011, il a rejoint la lutte contre le régime et le 28 novembre, il a été enlevé dans son bureau, où il s'occupait des médias pour les rebelles. Il a été libéré le 6 janvier de la prison où les jihadistes le retenaient à Dana, dans province septentrionale d'Idleb.

En effet, exaspérés par la brutalité et la volonté d'hégémonie de l'EIIL, les rebelles, en majorité des islamistes, ont retourné il y a huit jours leurs armes contre ces anciens alliés dans la lutte contre le régime, les chassant de la province d'Alep et d'une grande partie de celle d'Idleb.

L'EIIL détient des centaines de personnes, dont des rivaux politiques, des militants et des journalistes, y compris des Occidentaux.

Les survivants, comme Seif, décrivent leurs conditions de détention comme "inhumaines, bien pires que celle du régime" de Bachar al-Assad.

"On me donnait un demi-litre d'eau tous les deux jours et seulement un petit peu de nourriture. Comme ils haïssaient les militants impliqués dans les médias, j'étais battu, insulté", confie Seif, qui a aussi goûté aux prisons du régime en 2011.

"Les prisons du régime sont certes parmi les pires au monde. Mais, croyez moi, celles de l'EIIL sont bien plus horribles. Au moins, dans les prisons d'Assad j'étais nourri chaque soir", assure Seif.

Ce militant s'estime chanceux d'avoir pu s'échapper alors qu'il a vu des détenus exécutés.

"Il y avait un Kurde de 15 ans accusé d'avoir violé des filles et d'être lié" au Parti de l'Union démocratique (PYD), principal groupe armé kurde en Syrie, qui combat durement depuis des mois l'EIIL dans le nord du pays.

"Ils l'ont tellement battu durant cinq jours qu'il a craqué et a +avoué+. Ils l'ont aussitôt abattu", se souvient-il.

Il évoque des septuagénaires, notamment kurdes, kidnappés pour des rançons, et des Arméniens enlevés alors qu'ils tentaient de fuir en Turquie.

"Ils nous ont montré la tête de prisonniers exécutés pour nous terroriser. Ils nous torturaient sans pitié. Mon front saignait à cause des coups que j'ai reçus pendant deux jours", assure Seif.

Un autre militant, Milad Chehabi, journaliste-citoyen pour l'agence pro-rébellion Shahba Press, a été enlevé dans son bureau fin décembre.

Les jihadistes "m'ont dit que je devais apprendre comment parler de l'EIIL", explique-t-il à l'AFP, via internet.

Contrairement à Seif, il n'a jamais été +jugé+ et n'a su qu'après plusieurs jours qu'il était aux mains de l'EIIL.

"Durant 13 jours, j'avais les yeux bandés, j'étais confiné dans un isolement total", dit-il. Il ignorait qu'il était détenu dans l'ancien hôpital pour enfants d'Alep, devenu le quartier général de l'EIIL.

Cette semaine, les rebelles ont pris d'assaut ce bâtiment et libéré des dizaines de captifs, dont Milad, juste après que les jihadistes aient abattu de sang froid au moins neuf détenus.

"J'ai entendu des tirs quand ils exécutaient ces malheureux, tellement de tirs que j'ai cru qu'il y avait des combats", confie le jeune homme de 23 ans.

Lui aussi était convaincu de ne jamais sortir vivant de cet enfer. "Ils m'ont demandé une rançon 200.000 livres syriennes (1.300 dollars), mais je n'avais en poche que 15.000 LS (100 USD). Je leur ai demandé de pouvoir informer de mon sort ma famille, mais ils ont refusé", dit-il.

Reporters sans frontières (RSF) a décrit la Syrie comme l'endroit le plus dangereux au monde pour les journalistes.

ser/sk/cnp

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