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L'Inde célèbre son succès contre la polio mais l'héritage reste lourd

L'Inde célèbre son succès contre la polio mais l'héritage reste lourd

Amit, jeune cireur de chaussures, a contracté la polio enfant, lui laissant les jambes abimées et la colonne vertébrale tordue. Il n'a jamais vu de médecin et l'éradication de la maladie en Inde est intervenue trop tard pour lui.

L'Inde va célébrer lundi trois années sans cas de polio, l'un des plus beaux succès dans la lutte mondiale contre le virus.

Mais les vendeurs de rue boiteux et les mendiants infirmes, les jambes atrophiées recroquevillées sous le buste, qui peuplent l'Inde montrent le lourd héritage laissé par cette infection lorsque le pays était l'épicentre du virus.

Amit, comme il se fait appeler, a commencé à travailler à neuf ans pour aider sa famille à éponger ses dettes et il cire les chaussures depuis cinq ans sur un morceau de trottoir de New Delhi devant un restaurant très fréquenté.

A trois ou quatre ans, il se souvient avoir été incapable de se redresser lors d'un voyage en famille et être tombé des genoux de sa mère dans un bus.

"Quand nous sommes rentrés à la maison, je ne pouvais toujours pas m'asseoir correctement. Chaque fois que j'essayais, je me renversais et c'est alors que ma mère m'a dit que j'avais la polio", raconte-t-il à l'AFP.

"Mes parents ne m'ont jamais emmené chez un médecin mais dans un temple où ils ont prié et demandé la bénédiction d'un prêtre pour qu'un je puisse remarcher correctement", ajoute-t-il.

La prophétie du prêtre, prévoyant qu'il serait guéri avant ses 20 ans, s'est avérée un faux espoir et le virus, en touchant le système nerveux, lui a infligé des lésions irréversibles.

Faute de statistiques officielles, les experts estiment que plusieurs millions de personnes souffrent en Inde d'infirmité due à la polio qui a affecté jusqu'à 300.000 personnes par an avant les débuts de la vaccination dans les années 70.

Jusqu'à milieu des années 90, quand les efforts d'éradication sont devenus consistants, de 50.000 à 150.000 cas étaient enregistrés chaque année, selon l'Organisation mondiale de la santé (OMS).

"Je suis l'une des personnes les plus heureuses de l'absence de nouveaux cas", déclare Mathew Varghese, l'un des principaux chirurgiens pour les patients atteints de polio, à l'hôpital St-Stephen de New Delhi.

"Nous n'avons plus un seul cas, c'est un énorme succès, mais nous devons nous organiser face aux nombreux cas hérités du passé", dit-il.

"Ces enfants qui sont stigmatisés et sont contraints de boiter, de ramper ou d'avoir des béquilles, doivent pouvoir être intégrés dans la société", estime le chirurgien.

Nombre de ses patients sont désormais des adolescents ou des adultes dont les muscles ont fondu ou dont les articulations sont bloquées à force de rester assis.

"Il y en a encore pour 30 à 40 ans", ajoute-t-il.

Les opérations passent notamment par l'insertion de broches dans la jambe affectée qui est ensuite progressivement placée sous tension pour renforcer les muscles et les os jusqu'à ce le membre soit droit.

Le processus, long et douloureux, prévoit jusqu'à quatre mois d'hospitalisation et autant ou plus de physiothérapie, gratuit au St-Stephens. En fin de traitement, les malades peuvent espérer marcher, souvent avec un soutien.

Mais, les priorités ayant changé, "les nouveaux chirurgiens n'ont plus l'expertise pour intervenir sur les cas de polio", relève le professeur.

Selon Deepak Kapur, membre du Rotary, engagé dans le financement de programmes de vaccinations aux côtés du gouvernement indien, de l'Unicef et de la Gates Foundation, quelque trois à quatre millions d'Indiens souffrent de handicap dû à la polio.

"Nous encourageons tout le monde à s'occuper des survivants de la polio car ils n'ont pas la partie facile. Ils ont besoin d'équipement pour mener une existence digne", estime-t-il.

La lutte contre la polio, qui se transmet par les matières fécales, a nécessité en Inde des milliards de dollars d'investissement public et privé dans des programmes de vaccination. Le dernier cas enregistré a été celui d'un bébé de 18 mois dans un bidonville de Calcutta le 13 janvier 2011.

L'Inde a été retirée d'une liste de l'OMS regroupant les pays où la polio est considéré comme endémique et cette liste ne comporte plus que le Pakistan, l'Afghanistan et le Nigeria.

Trois ans après ce dernier cas, l'éradication sera officiellement prononcée par l'OMS une fois que tous les cas auront été vérifiés, probablement en février ou mars.

Mais pour Amit, l'horizon ne devrait pas changer malgré son appétit d'apprendre.

"J'aurais voulu étudier mais mes parents ont dû rembourser les dettes contractées au temple pour les cérémonies, les prières et les offrandes pour mon traitement", dit-il.

"Je n'aime plus mon travail. Autrefois il me plaisait mais ce n'est plus le cas. Je veux apprendre à lire et écrire".

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