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Le Soudan du Sud, un jeune Etat aux espoirs effondrés en un mois

Le Soudan du Sud, un jeune Etat aux espoirs effondrés en un mois

Le Soudan du Sud, à l'avènement de son indépendance en 2011, a suscité de grands espoirs qui, en un mois, se sont effondrés pour une question de rivalité politique plongeant le jeune Etat dans une spirale de violences.

Le conflit, qui menace de guerre civile l'ensemble du pays, a été déclenché par une querelle de pouvoir entre son président Salva Kiir et son ex-vice-président Riek Machar. Lesquels, pour s'affronter, instrumentalisent leurs communautés réciproques, dinka pour Salva Kiir et nuer pour Riek Machar.

"Quand ce sera fini, nous serons tous perdants", se désole Mabior Garang - le fils du chef historique de la lutte pour l'indépendance, John Garang - membre de la délégation rebelle aux pourparlers de paix actuellement à Addis Abeba.

Même les observateurs les plus attentifs des complexes luttes de pouvoir au Soudan du Sud ont été surpris par la vitesse à laquelle le conflit s'est étendu, et la brutalité des violences qui ont explosé entre communautés voisines.

Pour Jok Madut Jok, un ancien responsable gouvernemental qui dirige maintenant le cercle de réflexion "the Sudd Institute", les Sud-Soudanais ont vu leur pays "s'effondrer pan par pan" et sont en état de choc.

Le Soudan du Sud est un pays riche en pétrole, mais pour une fois, l'or noir n'a pas été à l'origine du conflit.

Les causes profondes des violences sont de vieilles rivalités entre rebelles devenus chefs politiques, combinées avec des blessures non refermées de l'interminable guerre civile qui a opposé pendant plus de vingt ans les rebelles sudistes à Khartoum.

"Lors de la guerre de libération (contre Khartoum), les Sud-Soudanais ont commis des atrocités les uns contre les autres, cela explique en partie pourquoi le conflit actuel s'est embrasé si vite", écrit Jok dans un récent rapport. "Personne n'a eu à rendre compte de ces atrocités quand la guerre a pris fin, ce qui a laissé des profondes blessures dans les coeurs et les esprits de beaucoup".

L'opposition politique au président Salva Kiir a été mise au grand jour début décembre avec le limogeage du vice-président Rieck Machar, son rival de longue date qui l'accusait de comportement "dictatorial".

Des milliards de dollars d'aide internationale, et d'investissements privés avaient été déversés dans cette petite nation qui avait à construire ses institutions.

Mais beaucoup craignaient un conflit de cet ordre, vu les avertissements répétés à propos de la corruption galopante, notamment le vol éhonté de milliards de dollars du pétrole, et les accusations d'abus de pouvoir des forces de sécurité.

L'intégration rapide mais mal faite de différentes forces d'ex-rebelles anciennement rivales dans l'armée a simplement couvert des divisions profondes et enracinées.

"Nous sommes face à une catastrophe humanitaire", a déclaré à l'AFP le chef des opérations humanitaires des Nations unies au Soudan du Sud, Toby Lanzer, après une visite au camp de déplacés installés sur un ancien terrain de football à l'arrière du camp de l'ONU.

"C'est sûrement l'expérience la plus dure de la jeune nation. (...) Nous avons un énorme conflit politique, des gens qui campent sur leurs positions et des civils qui sont pris dans une situation intenable", ajoute M. Lanzer.

Les conflits politiques entre Kiir et Machar réveillent de profondes blessures nées des combats de 1991 entre les peuples nuer et dinka.

"Ce sont des manoeuvres politiques, mais maintenant le feu a pris à la base, le problème est ethnique", assure Paul Manyok, un commerçant qui a fui les combats à Bor, ville stratégique toujours aux mains des rebelles.

Mais la situation, complexe, ne peut se lire à travers un seul prisme ethnique : le chef de l'armée de Kiir est nuer, et parmi la délégation de Machar aux pourparlers d'Addis Abeba figurent de hauts responsables dinka.

Car si de gros titres rapportent des massacres entre groupes ethniques, d'autres reportages font état de secours et d'aides entre membres de ces mêmes communautés différentes.

Cependant, beaucoup se montrent pessimistes sur l'issue des négociations en cours en Ethiopie, la crise étant allée trop loin pour être réglée rapidement.

"Avant, je ne cherchais pas à savoir si mes amis étaient dinka ou nuer", fait remarquer William Gatwech, 22 ans, un étudiant installé sous un abri de carton dans le camp de l'ONU à Juba.

"Mais je crains de quitter le camp parce que en tant que Nuer je vais être une cible... c'est ce qu'ils ont fait quand les combats ont commencé, ils ont tué les Nuer", explique-t-il.

Au Nord, un autre étudiant du même âge, Peter Mabior, raconte comment les combattants Nuer s'adressaient aux autres dans la langue des Dinka, tuant ceux qui leur répondait.

"Ce qui s'est passé ne peut pas être oublié ou défait", poursuit Peter Mabior, qui a fui la région de Bor pour rejoindre quelque 85.000 déplacés. "Pensez-vous qu'on peut les croire maintenant?"

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