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Centrafrique: dans l'ancienne terre d'asile, les réfugiés cherchent désormais l'exil

Centrafrique: dans l'ancienne terre d'asile, les réfugiés cherchent désormais l'exil

"On était venus chercher la paix, maintenant il faut que nous allions la chercher ailleurs", explique, le regard triste, Rahama Bichara, un Tchadien réfugié en Centrafrique depuis 2007, qui s'apprête à vivre son deuxième exil.

Les traits tirés, ce père de famille de 47 ans originaire du nord du Tchad semble ne pas bien comprendre ce qu'on lui reproche, mais il est clair que désormais, lui et sa famille, musulmans, sont devenus une cible pour tous ceux qui s'opposent au nouveau régime en place à Bangui.

Foules en colère, milices chrétiennes: nombreux sont les Banguissois qui s'en prennent aux musulmans, en particulier tchadiens. Il les accusent d'être proches de l'ex-rébellion Séléka à majorité musulmane, qui a pris le pouvoir en mars avant de laisser le pays sombrer dans le chaos.

Aux côtés de Rahama, assis sur le bord du trottoir de l'une des grandes artères de la ville, Ibrahim Tidjani, lui aussi originaire du Tchad, raconte une histoire similaire: "Je suis arrivé en 1998 ici. Chez moi, c'était trop dangereux, nous étions toujours menacés, et beaucoup de gens de ma famille ont été tués. Aujourd'hui je suis obligé de revivre tout ça et c'est insupportable"...

Effrayé, en particulier depuis qu'un gamin de son quartier a pris une balle perdue, Ibrahim ne sait pas vers qui se tourner avec ses six enfants. Alors il campe devant le Haut commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR), espérant pouvoir être envoyé ailleurs.

Sur cette même avenue, bordée de carcasses de voitures calcinées, défilent désormais au quotidien des centaines de véhicules pleins à craquer de Tchadiens ayant choisi l'option du rapatriement. Mais comme Rahama et Ibrahim, d'autres souhaitent une autre issue, un autre pays ou tout simplement "un endroit sécurisé où dormir".

Signe de l'extrême tension qui règne dans la ville, ces convois sont régulièrement caillassés, hués par les populations qui se massent aux abords des routes pour dire au revoir à leur façon.

Depuis quelque temps à Bangui, lorsque par malheur un musulman à pied, à bicyclette ou à moto passe à portée de main, il encourt le lynchage pur et simple.

Depuis jeudi toutefois, des renforts de l'armée tchadienne sont entrés dans la ville: une quarantaine de pick-up lourdement armés, pleins à craquer de soldats censés sécuriser les convois et l'ambassade autour de laquelle ils se sont massivement déployés.

Mais les Tchadiens ne sont pas les seuls à s'inquiéter de leur avenir. Devant le HCR, deux Congolais chantent en choeur. Leur chanson raconte la guerre et la souffrance de leur pays, la République démocratique du Congo (RDC), un quotidien qui ressemble à s'y méprendre à celui de la Centrafrique. Elle parle de ceux qui "vivent à genoux" et de ceux qui "meurent debout".

Tous deux réfugiés eux aussi, ces chrétiens partagent le sort de leurs voisins de trottoir tchadiens, dans des conditions de vie suffisamment rudes pour que les problèmes de religion n'entrent pas en ligne de compte.

"Je suis arrivé en 1997, l'année de la mort de Mobutu (ex-président du Zaïre). Je veux fuir la guerre mais je ne peux pas rentrer en RDC, qu'est-ce que je peux faire ?", se demande Jean-Pierre Zelowa, dont le pays d'origine se trouve à quelques encablures à peine, au-delà du fleuve Oubangui.

"Maintenant ça commence à être clair: regardez autour de la Centrafrique, où est le pays paisible qui pourra nous accueillir ? Le Darfour ? la RDC ? le Tchad ? Le Nigeria ?", s'interroge-t-il.

Pour le moment, aucune certitude n'existe pour Jean-Pierre et ses compagnons d'infortune, qui semblent condamnés à errer de pays de misère en pays de misère...

xbs/cl/sd

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