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La visite d'Abe au Yasukuni, symbole d'un nationalisme déstabilisateur

La visite d'Abe au Yasukuni, symbole d'un nationalisme déstabilisateur

La visite du Premier ministre japonais Shinzo Abe au sanctuaire patriotique Yasukuni montre une claire orientation nationaliste qui pourrait contribuer à déstabiliser la région, préviennent des analystes.

M. Abe a provoqué une onde de choc en Asie orientale en se rendant jeudi dans ce lieu de culte shintoïste de Tokyo où sont honorés 2,5 millions de morts tombés pour le Japon, dont 14 criminels de guerre condamnés après 1945.

Du coup, bien que le Premier ministre ait affirmé ses intentions pacifistes, la Chine et la Corée du Sud ont fustigé ce pèlerinage comme une insulte aux victimes des atrocités commises par les troupes nippones dans la première moitié du XXe siècle.

"La Chine avait clairement fait savoir qu'elle ne tolèrerait aucune visite de Premier ministre dans ce sanctuaire. Le président Xi Jinping est arrivé récemment et ne peut se permettre d'apparaître faible", prévient Ed Griffith, spécialiste des relations sino-japonaises à l'Université de Leeds (Royaume-Uni).

Depuis le retour de M. Abe au pouvoir il y a exactement un an, les relations de l'archipel avec la Chine sont tellement mauvaises que le Premier ministre nippon a jugé n'avoir plus rien à perdre, analyse M. Griffith. "C'est très inquiétant, qui plus est dans le contexte d'un différend non résolu en mer de Chine orientale."

Une querelle autour des îles Senkaku (revendiquées par la Chine sous le nom Diaoyu) a détérioré les liens sino-nippons à un point inédit depuis 1945, depuis la nationalisation par le précédent gouvernement de centre-gauche de trois des îlots de cet archipel inhabité de mer de Chine orientale en 2012.

Pékin envoie désormais régulièrement des navires dans les parages, ce qui fait craindre un incident armé. La Chine a en outre décrété en novembre que les avions passant au-dessus de ces îles devaient s'identifier auprès d'elle, ce que Tokyo a dénoncé et ignoré.

Puis, il y a quelques jours, le gouvernement nippon a annoncé une hausse de 5% du budget de la défense dans les cinq années à venir, pour acheter entre autres de l'équipement amphibie de protection des îles lointaines - notamment les Senkaku.

Des rétorsions de Pékin sont désormais à craindre car il s'agissait du premier pèlerinage au Yasukuni d'un chef de gouvernement japonais depuis sept ans. Lors de son premier mandat de Premier ministre (2006-2007), M. Abe n'avait pas osé franchir le pas, malgré ses convictions nationalistes, justement par crainte de la réaction chinoise.

M. Abe semble gérer la question chinoise en fonction de préoccupations de politique intérieure, souligne Jia Qingguo, expert en relations internationales à l'Université de Pékin.

"Le calcul est le suivant: si vous tenez tête à la Chine, vous êtes perçu comme fort et héroïque" dans votre pays, précise-t-il. "Cela rend encore plus délicate à gérer la relation déjà très compliquée entre les deux pays."

Takehiko Yamamoto, professeur de relations internationales à l'Université Waseda de Tokyo, rappelle de son côté que Shinzo Abe se réclame de l'héritage politique de son grand-père, Nobusuke Kishi, ministre pendant la Seconde guerre mondiale, arrêté en 1945 par les Alliés mais jamais condamné, puis Premier ministre nationaliste à la fin des années 1950.

"Abe revient à la doctrine Kishi, comme le montre sa loi sur les secrets d'Etat" jugée liberticide par l'opposition et la majorité des médias mais qu'il a fait adopter en urgence en décembre, estime M. Yamamoto.

Dans ce contexte, l'épisode du Yasukuni "accrédite l'image d'un Japon dérivant vers la droite, vers le militarisme", d'après ce professeur qui y voit "un nouveau facteur de déstabilisation pour l'Asie du nord-est".

Conforté par les sondages flatteurs engendrés par les bons débuts de sa politique économique, M. Abe serait devenu "arrogant et incontrôlable", juge même Testuro Kato, professeur à l'université Hitotsubashi.

D'après lui, le but ultime du champion de la droite est de réviser la constitution imposée par les Américains après 1945, qui interdit au Japon de faire la guerre.

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