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Déclarés "organisation terroriste", les Frères musulmans pourraient se radicaliser

Déclarés "organisation terroriste", les Frères musulmans pourraient se radicaliser

En déclarant "organisation terroriste" les Frères musulmans, les autorités égyptiennes ont démontré leur détermination à réduire à néant le vaste réseau de la confrérie mais risquent, en le contraignant à la clandestinité, de radicaliser le mouvement qui avait renoncé à la violence.

L'implacable répression lancée par les autorités installées par l'armée après la destitution le 3 juillet du président issu de ses rangs, Mohamed Morsi, a déjà fait plus de 1.000 morts et des milliers d'arrestations dans les rangs des islamistes.

La décision gouvernementale prise mercredi, au lendemain d'un sanglant attentat contre la police revendiqué par des jihadistes n'ayant aucun lien connu avec les Frères musulmans, va renforcer la pression sur la confrérie et sûrement conduire certains de ses membres à rompre avec une direction qui s'est distanciée de la violence.

Le mouvement islamiste créé en 1928 ne devrait pas changer sa ligne de conduite et continuer à appeler à des manifestations "pacifiques", estime Omar Ashour, spécialiste du Moyen-Orient à l'Université d'Exeter. Mais il pourrait en aller autrement de ses membres, note-t-il.

"En interne, la confrérie prêche depuis la fin des années 1960 que prendre les armes n'est ni légitime ni utile", explique-t-il. Toutefois, "en décapitant la direction --surtout si la direction est contre la violence-- on pourrait se retrouver avec des membres qui décident de se tourner vers la violence".

Pour François Burgat, spécialiste des mouvements islamistes, "il est impossible d'écarter l'idée qu'une frange au moins des victimes de la répression opteront pour la contre-violence et rejoindront les jihadistes".

La décision gouvernementale "constitue en fait une spectaculaire caution à la composante +jihadiste+ du paysage islamiste. Elle donne raison à ceux qui de longue date avaient préféré se démarquer de l'option légaliste des Frères musulmans", poursuit-il.

Parmi ceux-là figure notamment Ansar Beit al-Maqdess, mouvement jihadiste basé dans le Sinaï et disant s'inspirer d'Al-Qaïda, qui a revendiqué l'attentat suicide à la voiture piégée contre la police qui a fait mardi 15 morts dans le nord du pays.

Le lendemain de cette attaque, pourtant condamnée par les Frères musulmans, le gouvernement a déclaré les Frères musulmans "organisation terroriste", plaçant de fait ses centaines de milliers de membres sous le régime d'une sévère loi anti-terrorisme.

Cette décision s'accompagne d'une interdiction de manifester --sous peine d'écoper de cinq années de prison--, a indiqué le ministère de l'Intérieur. Détenir des écrits ou enregistrements de la confrérie est sanctionné par la même peine, a ajouté le ministère.

Un dirigeant de la confrérie a cependant appelé à poursuivre la mobilisation, alors que les pro-Morsi manifestent quasi-quotidiennement pour réclamer le retour au pouvoir du seul président jamais élu démocratiquement du pays, actuellement jugé aux côtés de la quasi-totalité des dirigeants des Frères musulmans.

Le gouvernement intérimaire dirigé de facto par l'armée va en outre geler les avoirs du vaste réseau d'associations caritatives des Frères musulmans qui ont patiemment tissé leur toile dans la société égyptienne, depuis la clandestinité où ils se terraient jusqu'à la révolte du début 2011 qui a mis fin à trois décennies de présidence de Hosni Moubarak.

De cette période, plusieurs dirigeants de la confrérie ont gardé le souvenir des rafles, des incarcérations et des tortures.

Dans les années 1940, elle a perpétré des actes sanglants, dont l'assassinat du Premier ministre Mahmoud Fahmi al-Noqrachi en 1948. Ses membres deviennent alors l'objet d'une répression brutale.

Le président Gamal Abdel Nasser leur porte des coups très durs entre 1954 --l'année de leur interdiction officielle-- et 1970, après une tentative d'assassinat contre sa personne, imputée au mouvement. Ses membres sont arrêtés par milliers, favorisant l'émergence de groupes radicaux précurseurs d'Al-Qaïda.

Dressant le parallèle avec cette époque, un porte-parole de la confrérie, sous la couvert de l'anonymat, a dit redouter la défection de jeunes cadres et une inorganisation. "Nous risquons de découvrir l'impact négatif" de l'incarcération de la quasi totalité des dirigeants d'un mouvement extrêmement hiérarchisé, a-t-il dit à l'AFP.

La répression sanglante lancée à l'issue d'une année est sûrement l'épreuve la plus dure de l'histoire de la confrérie. Car au-delà des coups durs portés par la police, l'armée et les nouvelles autorités, une année de présidence Morsi a fait perdre au mouvement de nombreux soutiens dans la société égyptienne.

se-sbh/sw

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