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La Cour suprême donne raison à l'auteur Claude Robinson

La Cour suprême donne raison à Claude Robinson
PC

MONTRÉAL - Claude Robinson savoure une victoire en demi-teinte. Si la Cour suprême du Canada a reconnu lundi que son droit d'auteur avait été violé, le créateur devra vraisemblablement continuer à se battre pour voir la couleur de l'argent qui lui est dû.

Il ne fait aucun doute que les maisons de production Cinar, France Animation, Ravensburger Film et RTV ont plagié l'oeuvre du créateur de la série animée pour enfants «Les Aventures de Robinson Curiosité», a tranché à l'unanimité le plus haut tribunal au pays.

«Je conclus que le droit d'auteur relatif à 'Curiosité' a été violé», a écrit la juge en chef Beverley McLachlin au nom de ses collègues.

«Le juge de première instance n'a commis aucune erreur susceptible de révision en concluant que 'Sucroë' était une reproduction d’une partie importante de 'Curiosité'. Les appelants Cinar plaident, à tort, en faveur d'une approche qui dissèque l'oeuvre de M. Robinson en ses éléments constitutifs. Il faut plutôt adopter une approche qualitative et globale», a poursuivi la juge McLachlin.

Depuis le début de cette saga, Claude Robinson a «non seulement été privé d'une source de revenus, mais aussi de son sentiment de paternité et de contrôle sur un projet auquel il attribuait une valeur presque indicible», peut-on notamment lire dans l'arrêt de la Cour suprême.

Les représentants de Cinar «ont nié impitoyablement avoir reproduit (l'oeuvre) et insinué que M. Robinson n'était qu'un excentrique en quête d'attention», ce qui a causé à ce dernier de sérieux dommages physiques et psychologiques, souligne-t-on également dans le document rendu public lundi.

«C'est une victoire morale. En fait, plus qu'une victoire morale, c'est une victoire. On vient réitérer que l'imitation déguisée reste quand même du plagiat», a résumé Madeleine Lamothe-Samson, avocate spécialisée en droit d'auteur.

«Je trouve que c'est un jugement qui est très axé sur les faits, a-t-elle ajouté. Il n'y a rien de très surprenant dans cette décision-là.»

Les sommes d'argent qui devront être octroyées à M. Robinson par les parties défenderesses totalisent environ 4,4 millions $, incluant 400 000 $ en dommages moraux, 500 000 $ en dommages-intérêts punitifs, environ 600 000 $ dommages-intérêts compensatoires et plus d'un million de dollars en guise de restitution des profits et droits musicaux.

Ce montant comprend également les honoraires d'avocats pour les procédures en première instance, soit 1,5 million $.

Les frais d'avocat encourus pour les appels devant la Cour d'appel et devant la Cour suprême ne seront toutefois pas déboursés dans leur intégralité.

Claude Robinson aura droit à un certain remboursement, mais celui-ci «sera bien en-dessous du montant accordé en première instance», a précisé Me Guy Régimbald, qui représente l'auteur et illustrateur.

«Nous en sommes à analyser ces frais», a ajouté Me Régimbald.

En entrevue téléphonique avec La Presse Canadienne, le président de la Société des auteurs de radio, télévision et cinéma (SARTEC), Yves Légaré, s'est montré déçu face à ce volet du jugement.

«Il y a des frais d'avocats en Cour d'appel et en Cour suprême, et ça, on n'en a pas tenu compte. Avant la Cour suprême, on en était à 2,3 millions $ (d'honoraires). On peut maintenant parler facilement d'un trois millions de dollars. Ce sont des frais que Claude (Robinson) devra un jour payer», a-t-il illustré.

De façon générale, la Cour suprême vient de rétablir le jugement rendu en 2009 par la Cour supérieure du Québec, laquelle avait condamné les accusés à verser 5,2 millions $ au créateur. La Cour d'appel avait réduit cette somme de moitié dans un jugement rendu deux ans plus tard.

Malgré ce jugement favorable, il y a loin de la coupe aux lèvres, a fait remarquer Yves Légaré.

«Ces sommes-là vont-elles être récupérables? La cour ne condamne pas les gens de façon solidaire, ce qui veut donc dire que Claude (Robinson) va devoir entreprendre des démarches auprès de chacun de ces adversaires pour récupérer les sommes qui lui sont dues», a exposé M. Légaré.

«Il y en a en Europe, il y en a ici, il y en a qui sont à la veille de la liquidation, donc la cour ne l'aide pas en faisant en sorte de ne pas les condamner solidairement. C'est peut-être le problème principal», a-t-il poursuivi.

Claude Robinson a décidé de ne pas accorder d'entrevue aux médias lundi afin de digérer le tout.

Le créateur de l'émission pour enfants «Les Aventures de Robinson Curiosité» se battait devant les tribunaux depuis des années pour obtenir réparation sur ses droits d'auteur auprès de ceux qu'il accuse de plagiat, affirmant qu'ils lui ont volé son idée pour mettre en ondes la série à succès «Robinson Sucroë».

La Cour suprême avait finalement pris la cause en délibéré en février.

Claude Robinson avait décidé de jouer le tout pour le tout avec cet ultime recours, qui lui a déjà coûté très cher. La SARTEC a fait plusieurs collectes de financement au cours des dernières années pour lui venir en aide.

Le regroupement d'auteurs se demande aujourd'hui s'il est normal qu'un créateur lésé doive livrer bataille pendant près de deux décennies avant d'obtenir réparation.

«Les parties adverses ont multiplié les requêtes, les démarches et les procédures et fait en sorte que Claude Robinson se retrouve chaque fois à dépenser», a dénoncé M. Légaré.

«S'il n'avait pas eu le soutien populaire et si ses avocats n'avaient pas accepté (de collaborer sans être rémunérés) Claude Robinson n'aurait jamais eu ce jugement-là», a ajouté le président de la SARTEC, précisant que les levées de fonds pour soutenir le créateur avaient permis d'amasser quelque 600 000 $ au fil des ans.

La question de l'accès à la justice est effectivement pertinente, a convenu Me Lamothe-Samson.

«Les avocats peuvent sembler en conflit d'intérêt là-dedans, mais on trouve aussi effectivement que c'est parfois difficile, pour des clients, même dans des cas flagrants, d'aller chercher un jugement pour un coût raisonnable.»

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