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L'héritier du sculpteur Maillol revient sur une vente d'oeuvres "détournées"

L'héritier du sculpteur Maillol revient sur une vente d'oeuvres "détournées"

Des oeuvres du sculpteur français Aristide Maillol, dispersées lors d'une mystérieuse vente aux enchères récemment à Nice, ont probablement été volées, a révélé l'ayant-droit du sculpteur, Olivier Lorquin à l'AFP.

Près de 70 ans après la mort de l'artiste, des sculptures et des peintures, ainsi que 600 dessins et trente-six précieux carnets de croquis d'Aristide Maillol (1861-1944) ont été retrouvés au printemps dans des coffres de banque à Menton après la mort d'une vieille dame.

Ces oeuvres avaient été placées là et sans doute oubliées pendant quarante ans par "Mlle Wessel", ex-maîtresse du fils unique de l'artiste, Lucien Maillol, sans que personne ne le sache.

Son amant avait a priori légué tous les tableaux de Maillol et le droit moral sur son oeuvre à la dernière muse du sculpteur, Dina Vierny, décédée en 2009 à 89 ans. Le fils de celle-ci, Olivier Lorquin, a désormais repris le flambeau à la tête de la fondation Dina Vierny-Musée Maillol, créée par sa mère.

La sensuelle Dina aux longs cheveux noirs originaire de Bessarabie (actuelle Moldavie) avait été remarquée à 15 ans par le sculpteur, alors âgé de 73 ans. Elle devient son unique modèle de 1935 à 1944.

"Elle représentait ce que Maillol avait imaginé comme son modèle idéal. Ils ont eu une complicité inouïe et platonique, elle est devenue sa collaboratrice et confidente", précise son fils dans un entretien à l'AFP.

Maillol présentera sa muse à ses amis peintres Raoul Dufy, Henri Matisse et Pierre Bonnard.

A sa mort, ses biens reviennent à Lucien, son fils unique.

"Lucien avait décidé de devenir peintre, mais était un peu écrasé par le talent de son père. Il s'est étourdi dans la vie, il aimait les gourgandines", raconte M. Lorquin.

Dans les années 40, Lucien demande à Dina de l'aider à valoriser l'oeuvre de son père. La jeune Moldave ouvrira une galerie d'art en 1947 à Paris, conseillée par Matisse.

Lucien décède en 1972 sans enfant, léguant tous ses biens à Dina. Il lui lègue également la maison Maillol à Banyuls-sur-mer, mais en transmet l'usufruit à sa maîtresse, la mystérieuse Mlle Wessel.

"Mlle Wessel était une danseuse de revue, une maîtresse que Lucien aimait particulièrement", se souvient Lorquin, qui conçoit qu'elle ait reçu "quelques cadeaux" mais pas des centaines d'oeuvres.

"Lucien devait ignorer qu'il avait laissé dans cette maison le fonds de son père". Mlle Wessel "a mis ça au chaud" dans des coffres à Menton en 1972, à la mort de son amant, puis "en a oublié l'existence".

"Avoir un tel ensemble c'est inconcevable, il a forcément été détourné", juge le galeriste-collectionneur.

"L'ensemble revenait au fils Maillol, qui l'aurait légué à Dina Vierny", estime-t-il.

"Lucien avait confié dès 1944 à ma mère le rôle de défenseur de l'oeuvre d'Aristide Maillol. Sans ma mère, Maillol serait depuis longtemps tombé dans l'oubli". Elle a notamment fait don à l'Etat en 1963 de sculptures monumentales exposées aux Tuileries.

L'histoire fait penser à celle de l'électricien de Picasso soupçonné d'avoir recelé pendant 37 ans dans son garage 271 oeuvres de l'artiste. L'affaire est instruite depuis trois ans par un juge de Grasse, toute la difficulté étant de trancher après la disparition des artistes et leurs proches.

Faute de preuves soutenant ses soupçons contre Mlle Wessel, l'héritier de Maillol a préféré se battre pour conserver les oeuvres en France.

Le spécialiste a expertisé les trésors endormis avant la vente, qui a rapporté le 28 novembre 1,35 million d'euros à quatre héritiers lointains de Mlle Wessel.

"Les carnets c'était la mémoire de l'artiste, un concentré de sa vie et de son travail. J'ai fait le nécessaire... ils restent en France, les collectionneurs étrangers ont été déboutés", indique Olivier Lorquin.

"Un carnet de croquis peut être découpé, vendu au détail", prévient-t-il, mais il se dit rassuré par l'identité des acheteurs, gardée secrète.

Un carnet de 33 pages s'est envolé à 51.500 euros, un autre de 74 pages à 52.500 euros. Une "bataille féroce" a opposé deux Français, a constaté le commissaire-priseur.

Olivier Lorquin -qui a repris le flambeau de sa mère pour "imposer la modernité de Maillol"- reste discret sur ses propres acquisitions. Il avoue néanmoins avoir craqué pour une huile qui l'a "bouleversé", "Portrait de femme à la coiffure feuillagée".

"On retrouve le visage de Dina et ce n'est pas Dina. Ma mère naît vingt ans plus tard. Mais elle était dans le regard de Maillol depuis le début du siècle. C'est comme si elle avait été devant ses yeux toute sa vie".

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