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Signes d'énervement au Vatican autour de la "francescomanie"

Signes d'énervement au Vatican autour de la "francescomanie"

Le style du pape François, l'enthousiasme qu'il suscite et les interprétations qui le voient en rupture profonde avec le passé, irritent certains cercles au Vatican, relèvent les vaticanistes.

Dans une interview récente à la chaîne de télévision catholique EWTN, le cardinal américain Raymond Burke, conservateur proche de Benoît XVI, n'a pas caché son amertume, déplorant que François ne défende pas assez la vie et la famille et n'encourage pas les prêtres à parler de l'avortement.

"On a un peu l'impression, ou alors c'est interprété dans ce sens par les médias, que le pape pense que nous parlons trop de l'avortement ou de l'intégrité du mariage entre un homme et une femme. Mais nous ne parlerons jamais assez de ces questions !", estime Mgr Burke.

François a brusquement écarté cette semaine ce cardinal de l'importante Congrégation pour les évêques et l'a remplacé par l'Américain plus modéré William Wuerl. François manifeste ainsi sa priorité: l'évêque doit être pasteur avant d'être gardien de la doctrine.

Et il montre sa détermination: plusieurs bonnes sources vaticanes font état d'une certaine rudesse du pape argentin, voire d'un autoritarisme dans le quotidien, loin de l'image aimable et douce qu'il donne dans la foule.

Un autre signe d'énervement, non à l'égard du pape mais de tous ceux qui voient en lui un progressiste, est venu de Mgr Georg Gänswein, plus proche collaborateur du pape émérite Joseph Ratzinger.

Selon des extraits d'une interview à paraître dans le magazine allemand Cicero, Mgr Gänswein s'en prend durement à certains dans l'Eglise allemande.

"L'enthousiasme pourrait rester en travers de la gorge des enthousiastes", prédit-il. "Je ne crois pas que le pape donnera de l'espace à certaines initiatives provenant de l'Allemagne", ajoute-t-il, à l'adresse notamment de ceux qui espèrent que Jorge Mario Bergoglio acceptera l'ordination de femmes diacres, une suggestion défendue par un cardinal allemand à la retraite, le réformiste Walter Kasper.

Mgr Gänswein, selon qui il n'y a pas rupture théologique entre François et Benoît XVI, fustige aussi la manière dont des secteurs de l'Eglise allemande ont annoncé que la communion des divorcés remariés pourrait bientôt être autorisée par le pape, cherchant à "l'arrimer à leur attelage".

Le quotidien Corriere della Sera a relevé vendredi une autre contradiction "étrange": un pape qui dénonce un système économique gouverné par le marché a recours à des cabinets d'audit privés de ce même système --McKinsey, KPGM, Ernst-Young, Promontory-- pour réformer le petit Etat.

Le pape Bergoglio a semblé vouloir apaiser les malentendus, dans une interview dimanche au quotidien La Stampa. Il y rappelle qu'il n'a annoncé aucune décision sur les divorcés remariés, que les réformes prendront du temps... et qu'il n'est en aucun cas marxiste, comme l'accusent certains conservateurs américains.

Sa parole abondante, sa communication désordonnée, le peu de cas pour certains rituels ont créé une défiance très palpable chez certains prélats.

Le début de culte de la personnalité dont il est, sans l'avoir cherché, l'objet fait problème. La concentration sur sa personne ferait obstacle à la transmission du message.

L'historien italien des doctrines théologiques Vito Mancuso estime que la démagogie "est un danger" et pourrait être "sa faiblesse". "Il doit être attentif à ne pas vouloir toujours étonner, émerveiller", observe-t-il.

"L'interprétation divergente de ses propos par les évêques allemands est symptomatique d'un style de François difficile à déchiffrer", analyse le vaticaniste Sandro Magister: "il révèle tantôt son ouverture à des formes de collégialité, parfois un style autocratique de gouvernement. Il juxtapose ouvertures et coups de frein, sur les mêmes sujets comme les homosexuels et les divorcés. Le résultat en est que certains propos sont amplifiés, chacun choisissant parmi mille paroles celles qui lui conviennent le mieux".

"François a ouvert des arguments sans tracer des lignes claires" et sans forcément percevoir les conséquences, ajoute ce vaticaniste de l'Espresso, défenseur de l'héritage de Benoît XVI.

Nicolas Diat, auteur d'une biographie de Benoît XVI à paraître en février (Albin Michel), explique qu'il y a au Vatican "une manie à pleurer sur le lait renversé: on en voulait à Benoît XVI de ne pas entraîner l'opinion, comme on en veut à François d'avoir une popularité tsunami".

jlv/mle/abk

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