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La libération de Khodorkovski: dans le plus grand secret et sans témoin

La libération de Khodorkovski: dans le plus grand secret et sans témoin

La libération du prisonnier le plus célèbre de Russie, l'ex-oligarque Mikhaïl Khodorkovski, s'est faite vendredi dans le plus grand secret et sans témoin, une opération sans aucun doute orchestrée en détails par le Kremlin.

Vers midi, le Kremlin annonce que le président Vladimir Poutine a signé la grâce de Khodorkovski, avec effet immédiat.

Quelques dizaines de minutes plus tard, l'agence Interfax annonce, avec une source anonyme, que M. Khodorkovski est libre et a quitté vers 12H20 locales le camp de Segueja, en Carélie (nord-ouest de la Russie), où il était détenu.

Pendant près de deux heures, cette information n'est confirmée ni par les officiels ni par les avocats et la famille de M. Khodorkovski, qui indiquent n'avoir aucune information.

Les journalistes massés devant le camp de Segueja n'ont rien vu, ce qui laisse penser que M. Khodorkovski a été sorti discrètement de la colonie pénitentiaire.

Une avocate de Khodorkovski qui devait l'accueillir à la sortie du camp l'a attendu en vain et ne l'a pas vu non plus. Elle a été avertie de sa libération par l'administration du camp bien après qu'il eut quitté les lieux.

"C'est une opération des services secrets: ils veulent le moins de publicité possible, pas de journalistes, faire en sorte que tout soit caché. Khodorkovski n'a même pas pu téléphoner à sa mère et à sa femme après sa libération", a déclaré à l'AFP la journaliste d'opposition Zoïa Svetova.

"Cette libération en secret permet aussi d'empêcher de donner un caractère solennel à l'événement", a ajouté Mme Svetova.

Pendant de longues heures, personne ne sait où se trouve l'ex-prisonnier, qu'une source proche de sa mère dit attendre probablement à Moscou dans la soirée. Des rumeurs non confirmées font état d'un hélicoptère qui aurait embarqué Khodorkovski dans l'enceinte du camp et l'aurait transporté jusqu'à la ville proche de Petrozavodsk ou Saint-Petersbourg.

Il faudra attendre jusqu'à 17 heures pour apprendre que Mikhaïl Khodorkovski a quitté la Russie et se trouve dans un avion à destination de Berlin.

De manière surprenante, la première source de cette information est un magazine très éloigné de l'information quotidienne mais très proche du Kremlin, Russki Pionier, qui annonce que l'avion à bord duquel se trouvait Khodorkovski "vient de franchir la frontière d'un Etat européen".

"Il est parti en avion pour l'Allemagne où sa mère est soignée", confirme ensuite l'administration pénitentiaire russe.

Alors que son fils se trouve dans un avion pour l'Allemagne, Mme Marina Khodorkovskaia déclare à l'agence Itar-Tass: "Je ne sais pas pourquoi on dit que Mikhaïl est parti me rejoindre en Allemagne. J'ai été soignée là-bas il y a quelques temps, mais maintenant je suis dans la région de Moscou. Mikhail ne m'a pas téléphoné".

"Poutine a cherché à réduire au minimum l'impact public de la libération de Khodorkovski. Le but est d'insister sur l'aspect humanitaire de la chose, au détriment de l'aspect politique, pour qu'on parle non pas de l'avenir de Khodorkovski mais de la mansuétude de Poutine", relève le directeur de l'agence de communication Mintchenko Consulting, Evgueni Mintchenko.

Le secret dans lequel s'est déroulée toute l'opération, de même que le départ inattendu pour l'Allemagne de M. Khodorkovski semblent confirmer les informations données vendredi par le quotidien Kommersant qui faisait état d'une opération des services spéciaux.

Selon le quotidien, M. Khodorkovski a présenté sa demande de grâce --ce qu'il s'était refusé à faire tout au long de ses dix ans de détention-- après des visites au camp de responsables des services spéciaux qui ont évoqué la possibilité de le condamner une troisième fois et ont insisté sur la santé fragile de sa mère, soignée pour un cancer.

Cette méthode --les pressions de la police secrète sur des prisonniers-- a été utilisée à de nombreuses reprises par le KGB pour tenter de briser des dissidents à l'époque soviétique.

Coïncidence ou pas, le 20 décembre est en Russie le Jour des Tchékistes, c'est à dire des membres des services secrets, la Tchéka étant la première police secrète de l'URSS, ancêtre de l'actuel FSB.

nm/lpt/mr

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