Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Québec, qui a fermé ses portes en 2021.

Maroc: dans un quartier de Tanger, la mort d'un migrant avive les tensions

Maroc: dans un quartier de Tanger, la mort d'un migrant avive les tensions

"Nous ne savons pas à quoi nous attendre", grimace Telly: la tension est vive à Boukhalef, quartier de Tanger, dans le nord du Maroc, où un clandestin camerounais est mort en chutant d'un immeuble, dans un climat d'hostilité croissante à l'égard des migrants.

Cédric, 18 ans, est décédé le 4 décembre après avoir chuté du haut d'un immeuble, durant une intervention policière. Dans la foulée, des heurts ont opposé des forces de l'ordre à plusieurs centaines de migrants protestant contre les mauvais traitements dont ils disent être l'objet.

Quelques semaines plus tôt, c'est un Sénégalais qui était décédé lors d'un incident comparable, dans ce même quartier de Tanger, ville située sur le détroit de Gibraltar, à 20 km à peine des côtes européennes.

Très vite, les autorités ont catégoriquement rejeté toute implication dans le décès de Cédric. Mais Telly, son ancien compagnon de chambre, ne masque pas son inquiétude.

"Nous avons l'impression que la police cherche à nous chasser de Tanger", dit à l'AFP ce Camerounais de 23 ans, par ailleurs inquiet de l'hostilité grandissante, selon lui, de certains habitants du quartier.

Quelques jours après le drame, une centaine de personnes ont manifesté dans les rues de Boukhalef, clamant: "nous ne sommes pas racistes, mais nous ne voulons pas de noirs ici".

"C'est la première fois que cela se produit. Et nous sommes réellement inquiets car nous ne savons pas à quoi nous attendre à présent", commente Telly.

Confronté à un afflux de migrants africains dont l'Europe ne veut pas, le Maroc connaît un important changement de statut: de simple pays de transit, il devient de plus en plus un pays d'accueil.

Face aux récentes critiques d'ONG, le royaume a annoncé qu'il allait entreprendre en 2014 une vague "exceptionnelle" de régularisations parmi les "25.000 à 40.000 clandestins" présents sur son sol.

Mais, dans le même temps, les autorités ont aussi indiqué avoir renforcé leur surveillance du littoral tangérois, d'où les migrants tentent de rejoindre l'Espagne à l'aide d'embarcations de fortune.

Depuis le début du mois, de source officielle, plus de 200 candidats à l'exil ont ainsi été "interceptés" dans la région de Tanger et celle bordant l'enclave espagnole de Ceuta.

Pour Boubker el-Khamlichi, de l'Association marocaine des droits humains (AMDH, indépendante), les récentes opérations menées dans le quartier de Boukhalef participent d'une même "politique" visant à repousser les migrants loin du littoral.

"Dans le cas de Cédric, nous ne savons pas s'il a été poussé par la police. Mais la réalité, c'est qu'il y a eu des morts suite à des opérations policières. Ils sont responsables", dénonce-t-il.

Sur ce cas précis, interrogé par l'AFP, le préfet de police de Tanger, Abdellah Belahfid, renvoie aux conclusions de l'enquête ouverte afin de "tirer au clair les circonstances" du décès.

Il justifie par ailleurs les opérations de police.

Ce "travail de routine" vise à lutter, notamment, contre les "réseaux qui s'activent dans le trafic de stupéfiants", relève-t-il.

"Il n'y a pas, actuellement, (...) d'opérations de refoulement", dans l'attente des régularisations, mais de simples "contrôles d'identité", ajoute-t-il.

Fondateur du Groupe antiraciste d'accompagnement et de défense des étrangers et migrants (Gadem), Hicham Rachidi assure pourtant que "200 personnes arrêtées" dans le nord sont arrivées à Rabat en une seule journée début décembre.

"Ils les abandonnent à proximité du QG de la police et leur disent d'aller demander l'aide des ONG", avance M. Rachidi, qui en appelle à un "changement des mentalités".

"Il y a 65.000 membres des forces auxiliaires. Quand vous les laissez aux prises à l'immigration illégale sans entraînement spécifique, consignes ou procédures, il est difficile d'éviter les abus", juge-t-il.

A Boukhalef, Ibrahima, un Gambien de 36 ans, s'accroche, lui, aux promesses de régularisation. En attendant, "si je vais chercher du travail dans cet immeuble, là en face, la première chose qu'ils vont me demander, c'est mon permis de résidence", soupire-t-il.

sma-hr-gk/sw

Close
Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Canada, qui ont fermé en 2021. Si vous avez des questions ou des préoccupations, veuillez consulter notre FAQ ou contacter support@huffpost.com.