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En Afghanistan, les ONG restent malgré les violences records contre les humanitaires

En Afghanistan, les ONG restent malgré les violences records contre les humanitaires

"Nous restons!": au moment où les soldats de l'Otan s'apprêtent à plier bagages d'Afghanistan, les ONG sont résolues à poursuivre leur travail sur le terrain en dépit d'un nombre record d'attaques contre les humanitaires et des incertitudes sur leur financement.

Dans la province de Kapisa (nord-est), les soldats français ne sont plus là, rentrés chez eux depuis un an, prélude au retrait du pays de la grande majorité des troupes de l'Otan prévu à la fin 2014.

Mais les humanitaires, eux, sont restés, comme dans le village de Darwazagi, hameau niché au pied de falaises rocailleuses, où des employés afghans de l'ONG française MRCA distribuent des médicaments contre la bronchite en ce début d'hiver.

"L'Otan part mais heureusement que les ONG restent", lance Noor Mohammed, barbe anthracite et regard sévère. "Nous n'avons toujours pas d'eau potable et avons des problèmes d'irrigation, donc nous encore besoin de plus d'aide", dit-il.

Si les humanitaires restent en Afghanistan, et reprennent même des projets laissés en plan par l'Otan qui avait tenté de bâtir des écoles ou des hôpitaux à la place des ONG dans le but de gagner "les coeurs et les esprits", ils sont confrontés à des violences records.

Des 164 attaques recensées contre les ONG à travers le monde par le site Aid Workers Security, 79 ont eu lieu en Afghanistan, l'un des endroits les plus dangereux pour les humanitaires avec le Soudan du Sud, la Syrie et la Somalie.

Les ONG étrangères et afghanes emploient 91.000 personnes dans le pays, dont un peu plus de 3.000 expatriés, pour fournir de la nourriture, soins de santé, abris et formations à des millions de personnes.

Cette année plus d'une trentaine de ces humanitaires ont été tués, dont six employés afghans de l'ONG française Acted.

Assassinats, kidnappings, braquages, "dommages collatéraux" du conflit en cours entre Kaboul, soutenu par l'Otan, et les rebelles talibans, bavures: les causes de ces violences sont multiples.

"On a pas une seule source de problèmes, on en a une multitude, et c'est cette multitude qui est difficile à gérer", lance Valérie Docher, chef de mission de MRCA.

Les ONG sont-elles victimes d'une vague d'attaques délibérément dirigées contre elles à travers le pays? Mme Docher en doute: "S'ils voulaient vraiment nous attaquer, les insurgés pourraient le faire demain matin. Ils savent où nous sommes".

"Les violences contre les humanitaires sont principalement des +dommages collatéraux+", suggère une source sécuritaire à Kaboul, en remarquant que "leur nombre est proportionnel au niveau de violence dans le pays", ce qui suggère une escalade des combats hors des capitales provinciales en parallèle avec le retrait progressif des forces de l'Otan.

"Il y a (aussi) une montée de la criminalité partout qui met en péril les principes humanitaires de base", déplore Justine Piquemal, directrice d'Acbar, organisation regroupant plus de 120 ONG oeuvrant dans le pays. Malgré tout, "on ne s'en va pas... on ne s'en va vraiment pas", assure-t-elle.

Aux problèmes sécuritaires des ONG, s'ajoutent les incertitudes sur le financement des projets. Après la crise financière et avec le conflit en Syrie, les fonds pour l'aide à l'Afghanistan ont fondu de près de moitié en deux ans pour plafonner cette année à 363 millions de dollars.

Et les Etats-Unis, premier bailleurs de l'Afghanistan, menacent de quitter le pays si Kaboul ne signe pas l'accord bilatéral de sécurité (BSA) encadrant la présence de soldats américains après la fin 2014.

L'année 2014 est d'autant plus une année de transition qu'une élection présidentielle doit y désigner le successeur de Hamid Karzaï, à la tête du pays depuis la fin 2001.

"S'il y a des problèmes lors de l'élection, le nombre d'humanitaires, d'ONG et les fonds pourraient encore diminuer", souligne ainsi Sayed Hashim Basirat, directeur des relations avec les ONG au gouvernement afghan.

A la conférence de Tokyo en 2012, les pays donateurs s'étaient engagés à ce que la moitié des budgets d'aide à l'Afghanistan soit versée directement au gouvernement afghan, chargé de remettre ces deniers aux ONG qui délivrent les services sur le terrain.

Or des humanitaires craignent ainsi d'être perçus par les insurgés comme des agents du gouvernement, et donc attaquées. Sans compter le risque, dans un pays rongé par la corruption, que les sommes versées au gouvernement soient détournées, et ce au moment où l'instabilité, les violences et le retrait occidental rendent l'accès à de nombreuses régions du pays de plus en plus compliqué.

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