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Une heure d'autobus alors qu'il y a une école à 5 min.

Une heure d'autobus alors qu'il y a une école à 5 min.

Imaginez! Vous habitez à cinq minutes d'une école, mais la commission scolaire décide d'envoyer vos enfants dans une une autre école, qui se trouve à près d'une heure de transport scolaire. C'est exactement ce que vivent 24 enfants du quartier Saint-Roch, à Terrebonne, depuis l'automne. Et l'an prochain, ils risquent d'être encore plus nombreux.

Un reportage de Francis Labbé

Le quartier Saint-Roch se situe à la limite nord-ouest de la ville, voisin des villes de Blainville et de Bois-des-Filion. Dans ce secteur, les développements résidentiels se multiplient, si bien que l'école du quartier, Marie-Soleil-Tougas, déborde. Tout comme une autre école du secteur, Jeunes du monde, située au sud de l'autoroute 640.

Pour désengorger ces deux écoles, le gouvernement du Québec a autorisé la construction d'un tout nouvel établissement, dans le quartier Urbanova. La Commission scolaire de la Seigneurie-des-Mille-Îles (CSSMI) a donc redécoupé son territoire. Résultat : les enfants du quartier Saint-Roch fréquentent maintenant la nouvelle école, un trajet d'environ 17 kilomètres, et ce, même s'ils habitent à cinq minutes de ce qu'ils considèrent comme leur école de quartier.

Lorsque Radio-Canada a fait le trajet parcouru par l'autobus, le mardi 10 décembre, il a fallu 49 minutes pour atteindre la nouvelle école, avec une circulation fluide. La veille, il faisait tempête. Des parents ont chronométré le trajet : 1 h 10.

« Inacceptable »

« Quand nous avons acheté notre terrain, nous savions qu'il y avait une école à cinq minutes », raconte Sophie Delisle, une mère de famille. « L'hiver dernier, on nous a appris que notre fille allait plutôt fréquenter une école qui se trouve à presque une heure de route. C'est inacceptable. »

Ce qui enrage les parents, c'est qu'en cours de route, l'autobus de leurs enfants passe près de six autres écoles primaires, toutes situées plus proches de leur quartier. « Ce n'est pas nous qui aurions dû être déportés, nous sommes trop loin », affirme Mélissa Bertrand, mère de famille.

Pour la CSSMI, ce scénario n'est pas idéal, mais il est celui qui apporte le plus de stabilité pour le plus grand nombre d'élèves à long terme. « Nous aurions effectivement pu déplacer les enfants, d'une école à l'autre, comme un effet domino », répond Dominique Robert. « Mais dans ce scénario, le nombre d'enfants déplacés est beaucoup plus grand. »

Le pire parcours

Pour atteindre la nouvelle école, les enfants doivent emprunter la route 335, qui relie Sainte-Anne-des-Plaines à l'autoroute 19 à Laval, puis la route 344. Deux voies lourdement achalandées aux heures de pointe.

« J'ai fait le trajet une dizaine de fois et ça m'a toujours pris entre une heure et une heure 10 », raconte Carl Turgeon, un parent du quartier. Le directeur adjoint de la CSSMI affirme plutôt que le temps moyen passé dans l'autobus pour les enfants qui y embarquent les premiers est d'environ 50 minutes. « Selon nos statistiques, ça n'a dépassé ce temps qu'à deux reprises depuis l'automne », explique Dominique Robert.

Risqué pour la réussite scolaire

« C'est une décision difficilement défendable », lance Jean Bernatchez, de l'Université du Québec à Rimouski. Selon ce professeur, qui se spécialise en administration du réseau scolaire, il y a un risque que ces enfants réussissent moins bien à l'école. « Peu d'études ont été réalisées au Québec, mais en Europe, des études ont conclu que si le temps de transport dépasse les 45 minutes, ça risque de compromettre la réussite scolaire des enfants. Surtout le transport du matin. Ça peut miner leur motivation. »

Un quartier en plein développement

Autre source d'inquiétude pour les parents du quartier Saint-Roch, la nouvelle école se trouve dans l'un des plus importants quartiers résidentiels en construction au Canada, le quartier Urbanova. Quelque 35 000 personnes devraient y vivre dans 20 ans, environ 3000 au terme de la phase 1.

« Nous savons déjà que lorsque la première phase sera complétée, d'ici deux ans, il y aura probablement assez d'élèves à proximité pour remplir la nouvelle école. Qu'est-ce qu'ils feront de nos enfants? » s'interroge Carl Turgeon.

La CSSMI réplique que les zones de desserte scolaire sont revues chaque année en fonction de la clientèle annoncée.

Demande d'agrandissement

Pour les parents du quartier Saint-Roch, la solution, c'est l'agrandissement de l'école Marie-Soleil-Tougas. La Commission scolaire en a justement fait la demande l'été dernier au ministère de l'Éducation, dont la réponse est attendue en avril.

« Mais nous ne pouvons garantir que tous les enfants du quartier Saint-Roch pourront aller à Marie-Soleil-Tougas, même s'il y a agrandissement », précise Dominique Robert. « C'est assurément un espoir pour eux. Mais le secteur est en croissance démographique. Le débordement à l'école Marie-Soleil-Tougas est un problème permanent. Et la première question que nous pose le ministère, c'est : "est-ce qu'il y a des places disponibles dans les écoles situées dans un rayon de 20 kilomètres" ? »

Des locaux vides offerts à la CSSMI

La Ville de Terrebonne possède un centre communautaire annexé à l'école Marie-Soleil-Tougas. Plusieurs locaux sont vides en ce moment dans cette partie de l'édifice, qui comprend aussi une salle communautaire et une bibliothèque de quartier.

« Les locaux sont là, ils peuvent s'en servir », insiste le conseiller municipal de Terrebonne, Réal Cloutier. « Ils nous les ont demandés il y a deux ans, ce n'était pas possible à l'époque. Les choses ont changé et les locaux sont devenus disponibles. Nous les avons offerts à la commission scolaire l'an dernier, ils ont refusé. Ils pourraient les utiliser en attendant l'agrandissement. »

« Honnêtement, poursuit le conseiller, je ne comprends pas la décision d'envoyer les enfants dans la nouvelle école du quartier Urbanova. C'est aberrant », conclut-il.