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Décontaminer, reconstruire, revenir à Fukushima, un jour, peut-être...

Décontaminer, reconstruire, revenir à Fukushima, un jour, peut-être...

D'énormes sacs noirs de déchets jalonnent les routes, des champs contaminés sont raclés: à Naraha, à une quinzaine de kilomètres de la centrale Fukushima Daiichi, la décontamination avance. Mais à Okuma ou Futaba, où se trouve le complexe atomique, c'est la désolation et pour longtemps.

Et comme si l'accident dramatique de mars 2011 ne suffisait pas, sont venues s'ajouter des conflits de voisinage. Les relations avec les habitants chassés de leurs maisons des environs de Fukushima se passent "extrêmement mal", affirme sans hésiter un ex-employé municipal de Minamisoma, à une trentaine de kilomètres de la centrale giflée de plein fouet par le tsunami géant.

Odaka, un des quartiers de cette agglomération de 71.000 habitants avant la catastrophe nucléaire, est à moins de 20 km de Fukushima-Daiichi. Ses quelque 12.000 habitants avaient dû évacuer sur ordre. La moitié vivent toujours à Minamisoma mais dans un autre secteur qui, lui, n'a pas été évacué. Problème: les premiers touchent des indemnités, pas les seconds, et entre eux, la jalousie règne.

"Ceux qui empochent des dédommagements ne veulent pas travailler", maugrée l'ancien agent de mairie.

Cette triste ambiance est symptomatique de la complexité des relations humaines nées de la division du territoire de Fukushima en fonction de la radioactivité.

Quelques jours après l'accident, toutes les personnes dans un rayon de 20 km autour de la centrale avaient reçu l'ordre de partir, de même que celles de quelques localités très touchées du nord-est, comme Iitate. Les habitants d'une bande entre 20 et 30 km, étaient quant à eux simplement "incités" à partir.

En tout, quelque 160.000 personnes ont abandonné leur domicile.

Aujourd'hui, la zone évacuée de Fukushima est comme un puzzle à trois couleurs: vert (dose d'exposition située entre 1 et 20 millisieverts/an), orange (entre 20 et 50 mSV/an), rouge (plus de 50 mSV/an).

Personne ne peut encore retourner vivre dans aucune des trois, mais en zone verte les travaux de préparation au retour (décontamination, aménagement de magasins, remises en état des routes et signalisations...) sont en cours.

Du coup, sont revenues les heures de pointe matinales et de fin d'après midi.

"Beaucoup de gens circulent entre Iwaki, une des principales villes non loin de la zone évacuée, et Naraha, un peu plus au nord, pour nettoyer et préparer le retour", explique un employé de Tokyo Electric Power (Tepco), Keiichi Yoshida, sur la route encombrée qui mène aussi à la centrale ravagée.

Là où c'est possible, on teste des technologies de nettoyage comme le font les entreprises françaises Areva et Veolia GRS Valtech. Avec des partenaires japonais, elles ont installé en pleins champs une machine expérimentale de tri de terre contaminée.

"On peut traiter jusqu'à 100 tonnes par heure", explique un responsable d'Areva, Marc Messalier. Certes, mais vu la surface de cette région rurale, la tâche est pharaonique, si tant est qu'elle soit tout bonnement possible.

Et que fera-t-on de cette terre d'ailleurs? Le gouvernement japonais a décidé qu'il achèterait des emplacements pour entreposer 15 à 28 millions de mètres cubes de déchets radioactifs. Mais après?

Les anciens résidents craignent que ce stockage temporaire ne devienne définitif.

En zone orange, les habitants peuvent revenir très ponctuellement chez eux pour prendre des affaires, tandis que des ouvriers sont autorisés à venir décontaminer ou rénover des infrastructures publiques. Mais ça prendra des années.

A Tomioka, l'état de la gare et de la ville, en partie emportée par le tsunami, dit l'ampleur de la tâche.

Des panneaux qui auraient réjoui autrefois, sont aujourd'hui décalés et à pleurer: "créons une ville sans délits ni accidents", lit-on sur l'un, "le joli environnement de la ville de Tomioka" sur un autre. Alentour, hélas, rien n'est beau: l'herbe jaunie plie sous son poids tant elle a poussé, jusque dans les fissures du bitume. Maisons et magasins sont saccagés, c'est gris, c'est sale. C'est plus triste encore lorsqu'on découvre un lotissement flambant neuf, mort-né, que personne n'a vraiment eu le temps d'habiter.

Quant à la zone rouge (Okuma, Futaba), dont l'accès est interdit par des barricades et des agents de sécurité qui ne laissent passer que les personnes munies d'une autorisation spéciale, elle va continuer de se délabrer. On n'est pas près d'y entendre des rires d'enfants.

kap/jlh/fw

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