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Un an après le viol de Delhi, peu de justice pour les femmes en milieu rural

Un an après le viol de Delhi, peu de justice pour les femmes en milieu rural

Alors que les Indiens manifestaient fin 2012 leur colère après le viol en réunion d'une étudiante à New Delhi, une jeune fille vivait le même calvaire dans un village proche de la capitale. Six mois plus tard, elle s'arrosait d'essence pour se donner la mort.

Enlevée à l'extérieur de son village à deux heures de New Delhi, Seema, 15 ans, a été violée le jour du Nouvel An et abandonnée à un arrêt de bus par ses six agresseurs.

Déterminée à obtenir leur condamnation, elle n'a guère reçu d'aide de ses voisins et de la police, raconte sa mère en pleurs.

"Elle était courageuse et a tenté de se battre. Mais à la fin, c'était trop difficile pour elle", se souvient-elle douloureusement en étreignant le pull rouge préféré de sa fille.

Au moment de l'agression de Seema, nombre d'Indiens manifestaient leur colère dans la rue après le viol en réunion, dans la capitale le 16 décembre, d'une étudiante en kinésithérapie de 23 ans. L'étudiante est morte des blessures infligées par ses agresseurs à coups de barre de fer.

Cette agression a alimenté un débat intense sur l'attitude des Indiens envers les femmes et a conduit à un durcissement de la législation sur les crimes sexuels. Les plus optimistes ont voulu croire à un "tournant".

Mais le cas de Seema, dont le nom a été modifié pour des raisons légales, montre que la bataille n'est pas gagnée pour les victimes et qu'il existe un gouffre entre l'Inde rurale et urbaine.

"L'affaire de Delhi nous avait donné du courage. Nous avions l'impression que le pays s'intéressait à ses femmes", dit sa mère.

"Des milliers de gens ont demandé justice pour la femme de Delhi. Nous ne savons pas pourquoi personne n'a parlé pour nous", ajoute t-elle.

Bien que déterminée à voir ses agresseurs jugés, ses nombreuses visites à la police et les railleries de ses voisins ont commencé à "semer le trouble" dans l'esprit de l'adolescente, explique sa mère.

Seuls deux accusés sont en détention et la police locale, qui n'a pu être jointe par l'AFP, semble traîner les pieds dans cette enquête.

Le contraste avec le cas de Delhi est flagrant. Dans l'affaire de l'étudiante qui a ému au-delà de l'Inde, quatre adultes ont été condamnés à mort après une procédure judiciaire accélérée.

Son cas a dominé l'actualité pendant des semaines et touché la classe moyenne quand celui de Seema s'est perdu parmi une multitude d'agressions de femmes rapportées par la presse après le 16 décembre.

Le nombre de viols en Inde a "définitivement dépassé" en 2013 le total de 2012 - 24.923 - et cela, même si l'année n'est pas terminée, a indiqué à l'AFP une source du bureau national de recensement des crimes.

Cependant quelques enseignements positifs peuvent être tirés de l'affaire de Seema, selon Mousumi Kundu, responsable de la K.D. Singh Foundation qui a offert une aide juridique à la famille de la jeune fille.

"Qu'elle et sa mère aient eu le courage de dénoncer le crime est en soi déjà une avancée immense", dit-elle.

Selon Mme Kundu, ce courage est à mettre en rapport avec le "réveil" des consciences suscité par le viol du 16 décembre.

Pour certains militants, la hausse des agressions enregistrée cette année peut être le signe que les femmes surmontent la honte et l'humiliation traditionnellement associées au viol.

Mais d'autres sont plus sceptiques.

"La société devient plus sensible aux victimes de viol mais il y a encore du chemin à parcourir. On ne peut nier qu'il y a une épidémie de viols dans ce pays", estime Ranjana Kumari, qui dirige le centre de recherche sociale à Delhi.

"Dans l'affaire de Delhi, c'est le lieu du crime et le fait que la victime était diplomée et allait voir un film, comme nombre d'entre nous, qui a ému et choqué la population", ajoute-t-elle.

"Des femmes sont violées en milieu rural et il n'y a personne pour parler d'elles. Elles sont condamnées à souffrir en silence", selon la militante.

Pour Nirmala Samant Prabhavalkar, de la Commission nationale pour les femmes, les préjugés envers ces victimes sont tels que beaucoup de femmes de milieu rural ne sont même pas au courant de leurs droits.

"Nous devons entrer en contact avec elles pour qu'elles existent", souligne t-elle.

Quant à la mère de Seema, déterminée à poursuivre la lutte pour sa fille, elle "ne sait pas si un jour justice lui sera rendue".

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