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L'archevêque de Bangui appelle à "ne pas tuer"' et s'inspirer de Mandela

L'archevêque de Bangui appelle à "ne pas tuer"' et s'inspirer de Mandela

Dans les youyous, les tam-tams et les chants de joie, l'archevêque de Bangui a appelé dimanche les chrétiens "à ne pas se venger, à ne pas tuer", les invitant à prendre pour modèle "l'homme de la réconciliation" qu'était Nelson Mandela.

Depuis le regain de violences il y a dix jours dans la capitale, des centaines de chrétiens sont venus trouver refuge à l'église Saint-Charles Lwanga, à la sortie nord, sur la route de Bouali.

Au milieu des enfants qui dorment et des femmes qui préparent le riz, Mgr Dieudonné Nzapalainga arrive au volant de son gros 4x4 blanc, escorté par deux soldats de la force africaine, la Misca.

A l'intérieur de l'église aux murs jaunes et bleu, 1.500 fidèles l'accueillent en frappant des mains. Des enfants de choeur à la soutane immaculée portent sa grande crosse argentée. Les youyous résonnent dans l'église.

Sous la lumière blanche des ampoules à économie d'énergie, l'archevêque, un colosse au visage rond qui porte une mitre crème et une chasuble violette, bénit ses fidèles et s'approche de l'autel.

Depuis le début des dernières violences entre chrétiens et musulmans qui ont fait plusieurs centaines de morts rien que dans la capitale, l'homme va partout dans Bangui et dans les camps de déplacés, souvent accompagné d'un imam, pour lancer des appels au calme.

Passés les premiers chants et prières, le prêtre se lance dans son homélie, en sango, la langue nationale.

"Beaucoup de chrétiens ont dit qu'ils allaient se venger. Les chrétiens doivent être habités par l'esprit de Dieu, ils ne doivent pas tuer", exhorte l'archevêque.

"Nous sommes devenus des animaux, les exactions dépassent la raison quand on tue quelqu'un et qu'on brandit son bras", insiste le religieux.

La veille, à Bangui, un musulman à moto a été lynché, tué à coups de machette par des habitants dans le quartier Combattant. Des gens ont été vus brandissant les mains coupées de la victime.

Quelques heures après, le religieux venait dans le quartier pour faire passer son message de tolérance.

Pour dépasser ce cycle mortifère d'exactions et de vengeances confessionnelles, l'homme d'église demande à plusieurs reprises de s'inspirer de "l'homme de paix et de réconciliation" qu'était Mandela, dont l'inhumation se déroulait au même moment dans le village de son enfance d'Afrique du Sud.

"Son exemple doit nous servir pour ne pas répondre par la violence", lance-t-il.

Mgr Nzapalainga cite ensuite le président américain Barack Obama qui "a lancé un appel d'Afrique du Sud pour inviter tous les Africains à rechercher la paix".

Pendant son homélie, l'archevêque, cherche à capter le regard des fidèles. Il pointe du doigt, ouvre la paume de sa main, bat des bras. Il susurre un conseil du bout des lèvres, puis s'emporte, en français.

"Ne soyez pas passif, n'attendez pas. Il faut un sursaut national, ne laissons pas la haine nous détruire. C'est notre pays, il n'y a pas d'alternative", dit-il en colère.

Un chant de l'offrande s'en suit. Il dure de longues minutes, une force incroyable s'en dégage. Le chef de la chorale se déplace parmi les chanteurs. Il harangue le bassiste, le guitariste, le clavier. Une femme apporte un poulet vivant aux prêtres.

Moment de joie et de partage pour des chrétiens qui vivent depuis dix jours dans la crainte permanente de représailles des ex rebelles Séléka, majoritairement musulmans.

Un pasteur qui assiste à la messe, Léon Zero s'inquiète que "des peuls", ethnie musulmane, viennent "jeter une grenade". "Le quartier n'est pas désarmé, c'est une poudrière", dit-il.

Dehors, une centaine de personnes suit la messe, assis sur des bancs d'école, sous le soleil, faute de place à l'intérieur. Devant le portail en fer ocre, un homme veille, machette à la main, à côté d'une pancarte sur laquelle il est écrit: "prière de signaler à la sécurité toute infiltration étrangère".

A coté de lui, un homme se fait couper les cheveux par un autre qui a posé là la plaque en bois de sa boutique itinérante: "Grâce ADIEU coiffure FC Barcelone".

Dans l'église, la foule crie "amen !" entre deux chants. La cérémonie dure deux heures. Dans les rares moments de silence, on entend les cris des enfants et le ronronnement des ventilateurs.

Le père Anicet, curé de la paroisse, finit la messe en remerciant les organisations internationales qui sont au chevet de la Centrafrique, comme La Croix Rouge et Médecins sans frontière. Il dit aux fidèles: "la Centrafrique n'est pas le pays le plus pauvre du monde, on l'a rendu pauvre".

sj/pgf/jlb

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