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Disparition de Robert Levinson : sa présumée mission pour la CIA l'a conduit au Canada

Disparition de Robert Levinson : sa présumée mission pour la CIA l'a conduit au Canada

Environ un an avant de disparaître mystérieusement en Iran en 2007, l'Américain Robert Levinson aurait demandé à un influent homme d'affaires canadien, Boris J. Birshtein, de l'aider à entrer en contact avec des personnes qu'il connaissait en Russie, lors d'une rencontre à Toronto. M. Birshtein l'a aidé, sans savoir que M. Levinson était alors en mission pour le compte de la CIA, comme l'ont récemment rapporté plusieurs médias américains.

Un texte de Bahador Zabihiyan

La rencontre, qui a eu lieu une ou deux années avant la disparition de M. Levinson, a duré entre 30 et 40 minutes, a expliqué M. Birshtein, en entrevue téléphonique avec Radio-Canada.

M. Levinson a disparu en 2007 après s'être rendu sur l'île iranienne de Kish dans le cadre d'une mission non autorisée que lui aurait confiée des agents de la CIA, sans recevoir l'aval de leurs supérieurs, selon les révélations de plusieurs médias américains.

La rencontre entre M. Birshtein, M. Levinson et un autre Américain a eu lieu au bureau de l'homme d'affaires torontois, aujourd'hui à la retraite. M. Birshtein dit ne pas se souvenir du nom du troisième homme, mais précise qu'il le connaissait déjà, car celui-ci l'avait hébergé à une occasion lors d'un séjour aux États-Unis.

« Un homme que je connaissais m'a appelé et voulait me rencontrer. Il est venu me rencontrer et il a amené ce monsieur avec lui. Il me l'a présenté et j'ai entendu son nom », se souvient M. Birshtein, qui a réussi au fil des années à développer un important réseau de contacts en Russie et dans les anciennes républiques soviétiques.

Selon M. Birshtein, M. Levinson et l'homme qui l'accompagnait se sont présentés comme étant des hommes d'affaires américains qui voulaient savoir s'il souhaitait investir dans un projet immobilier. « Je pense que c'était au sujet de projets qu'ils avaient faits quelque part en Amérique du Sud ou dans les Caraïbes [...] Ils m'ont demandé si j'étais intéressé, j'ai dit non », a indiqué l'homme d'affaires. M. Birshtein explique qu'il ne faisait pas d'investissements dans le domaine immobilier, il se spécialisait plutôt dans les matières premières.

Levinson voulait rencontrer des Russes

Selon le New York Times, qui a eu accès aux échanges de courriels de M. Levinson, ce dernier avait un but précis lors de sa rencontre avec M. Birshtein. Il était sous contrat avec la CIA et il espérait que l'homme d'affaires l'aiderait à entrer en contact avec des Iraniens, qui pourraient lui indiquer si un ancien président de l'Iran, Hashemi Rafsandjani, avait investi au Canada.

M. Birshtein dit qu'il n'a jamais été question de l'Iran lors de la rencontre, et qu'il ne connaissait même pas le nom de M. Rafsandjani à l'époque. M. Levinson lui a plutôt demandé de le mettre en contact avec des « Russes ». Ce qu'il a fait. « Pendant cette rencontre, ce monsieur Levinson, m'a demandé si je pouvais peut-être l'aider, vous savez, avec quelque chose en lien avec la Russie », explique M. Birshtein. « Il m'a demandé quelque chose, je l'ai arrangé », affirme l'homme d'affaires, qui dit ne pas se souvenir de la requête précise de M. Levinson, étant donné que la discussion a eu lieu il y a déjà plusieurs années.

Le New York Times dit avoir consulté un rapport datant de décembre 2006 rédigé par M. Levinson pour le compte de la CIA. Il y indiquerait avoir réussi à entrer en contact avec deux Iraniens à Istanbul, à la suite à l'intervention de M. Birshtein. Ces derniers cherchaient à acheter du matériel militaire pour l'Iran. M. Birshtein rejette ces informations, estimant qu'il a certes aidé M. Levinson à entrer en contact avec des Russes, mais qu'il n'a jamais été question de l'Iran, de ventes d'armes et encore moins de la CIA.

Il n'a pas été question de l'Iran

Au cours de sa conversation avec M. Levinson, il a cependant appris que ce dernier était un agent à la retraite du FBI. « Oui, il m'a mentionné qu'il avait travaillé pour le FBI », dit M. Birshtein.

L'homme d'affaires canadien a aussi indiqué à ses interlocuteurs qu'il était interrogé à la frontière pratiquement chaque fois qu'il se rendait aux États-Unis.

Les autorités américaines l'avaient placé sur une liste de personnes à interroger, dit-il. M. Birshtein, qui est d'origine russe, a été un homme d'affaires particulièrement actif lors de la chute de l'Union soviétique. Il a ainsi réussi à se créer un important réseau de contacts, dont certains qui avaient une mauvaise réputation. Ceci expliquerait que son nom ait été mis sur une liste par les autorités américaines. Une mesure complètement injustifiée, soutient M. Birshtein, qui estime avoir été victime d'attaques politiques en Russie destinées injustement à salir sa réputation. Son rapide succès dans le monde des affaires russes à partir des années 1980 avait attisé les jalousies, croît-il.

Selon les documents consultés par le New York Times, M. Levinson aurait proposé à l'homme d'affaires de l'aider à régler ses problèmes lors de ses passages à la frontière. M. Birshtein dit qu'il n'en a pas été question. « Je leur ai mentionné que j'avais ces problèmes avec leur pays. Quand j'y allais, ils me stoppaient. Ils n'ont rien dit », dit M. Birshtein.

Les États-Unis demande l'aide de l'Iran

C'est en allumant sa télévision en 2007 qu'il a appris que M. Levinson avait disparu mystérieusement. Pour M. Birshtein, rien ne laissait présager que M. Levinson était payé par la CIA, comme l'indiquent les révélations des médias américains. « Il était très gentil. Je ne dirais pas qu'il était mystérieux ou quoi, un type de bonne apparence. Il a souri, il a dit bonjour », se souvient-il.

Les autorités iraniennes ont dit ignorer ce qui était arrivé à M. Levinson. En entrevue avec ABC News samedi, le secrétaire d'État américain, John Kerry, a indiqué que l'Iran pouvait aider les États-Unis à retrouver M. Levinson, précisant qu'il travaillait activement sur ce dossier. La Maison-Blanche a regretté la publication des informations liant M. Levinson à la CIA, indiquant qu'il n'était pas un employé du gouvernement américain au moment de sa disparition.

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