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Israël: déplacés il y a 50 ans des Bédouins risquent une nouvelle expulsion

Israël: déplacés il y a 50 ans des Bédouins risquent une nouvelle expulsion

Cinquante ans après avoir été autorisés par Israël à s'installer sur des terres du désert du Néguev, les Bédouins d'Oum al-Heiran sont menacés d'expulsion pour laisser place à deux villes nouvelles israéliennes.

La question bédouine a brusquement ressurgi lors de violentes manifestations le 30 novembre en Israël et dans les Territoires palestiniens contre le controversé "plan Begin-Prawer", de bien plus grande ampleur, finalement retiré jeudi par le gouvernement.

Quelque 150 familles, soit 1.000 habitants, résident à Oum al-Heiran, dans le nord du Néguev, dans de modestes préfabriqués en béton, gardant des troupeaux et cultivant leurs lopins.

Le 10 novembre, le gouvernement a approuvé l'établissement de "deux nouvelles communautés", appelées Kessif et Hiran, à l'emplacement du village.

Après le déplacement de la tribu locale des Abou Al-Qiyaan dans les années qui suivirent la création d'Israël en 1948, le gouverneur militaire israélien avait accordé à ces Bédouins 70 hectares de terres, sur lesquelles ils ont établi le village.

Les premiers projets d'urbanisation israéliens à Oum al-Heiran ont été lancés il y a 10 ans, combattus devant les tribunaux par les habitants, avec l'aide de l'association de défense des droits de la minorité arabe Adalah.

La Cour suprême a suspendu les ordres de démolition dans l'attente de documents supplémentaires qui doivent être présentés par l'association avant le 15 décembre.

Le sort des Bédouins dépend donc de la plus haute juridiction israélienne.

"Je suis né ici, c'est ma maison et c'est tout ce que je connais", témoigne Abderrahmane Abou Al-Qiyaan, 49 ans, père d'une douzaine d'enfants.

"Nous ne pourrons pas lutter contre l'Etat s'il décide de nous expulser. Il nous reste simplement à attendre", confie-t-il à l'AFP.

"Nous avons érigé ce village, nous avons travaillé la terre. Où iront nos enfants? " s'alarme-t-il.

Les Bédouins disent n'avoir aucune objection à ce que des Israéliens juifs viennent s'installer là, s'ils ne sont pas eux-mêmes obligés de décamper.

"C'est une décision raciste: pourquoi des Juifs pourraient-ils vivre ici et pas moi?", s'interroge Abderrahmane Abou Al-Qiyaan.

Sa belle-mère Ghiyahib, 73 ans, se souvient du jour ou les forces israéliennes les ont évacués de leur ancienne maison et amenés là en 1956.

"J'avais 16 ans quand des patrouilles israéliennes sont venues et nous ont expulsé de nos maisons pour construire un kibboutz à la place, nous abandonnant sans abri dans le désert", se souvient-elle.

"Mais nous avons bâti et c'est devenu chez nous", raconte la vieille dame.

Un porte-parole du Premier ministre Benjamin Netanyahu, Ofir Gendelman, a affirmé à l'AFP que les autorités fourniraient aux Bédouins les "services de base", mais assuré qu'ils avaient "construit sans permis".

Selon Adalah, l'installation par l'armée des Bédouins à cet endroit a été consignée à l'époque, mais jamais officialisée dans un document.

La position des autorités est "nous leur avons accordé cette terre, nous pouvons la leur reprendre", déplore une avocate de l'association, Souhad Bichara.

Le gouvernement veut évacuer les habitants vers le bourg voisin de Houra, qui abrite déjà quelque 300 familles, et où il comptait déplacer une partie des Bédouins visés par le plan Begin-Prawer.

Ce plan, cible des critiques croisées de la droite, qui le jugeait trop généreux, et de la gauche, hostile à ce déplacement forcé, prévoyait la démolition d'environ 40 localités, l'évacuation de 30.000 à 40.000 Bédouins, moyennant des indemnités, et la confiscation de plus de 70.000 hectares.

En juillet, Navi Pillay, Haut commissaire de l'ONU pour les droits de l'Homme, avait prévenu que "si cette loi est votée, elle accélérera la destruction de communautés bédouines, les forçant à perdre leur foyer, niant leurs droits à la propriété et mettant fin à leur culture et leur mode de vie au nom du développement".

Environ 260.000 Bédouins vivent en Israël, la plupart dans le Néguev, un désert qui couvre deux tiers de la surface du pays.

Près de la moité habitent dans des villages non reconnus par l'Etat, souvent sans aucune infrastructure moderne et dans une grande pauvreté.

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