Figure de proue de la gauche en Colombie, le maire de Bogota, Gustavo Petro, a appelé le président Juan Manuel Santos à empêcher sa destitution qui vise, selon lui, à enrayer le processus de paix, le gouvernement s'opposant de son côté à toute ingérence étrangère.
"Le président est celui qui a la solution du problème entre ses mains", a affirmé M. Petro, un ex-guérillero de 53 ans reconverti dans la politique, dans un entretien accordé à l'AFP.
Le maire de la capitale a été démis lundi de ses fonctions et déclaré inéligible pendant 15 ans pour avoir violé les principes constitutionnels de la concurrence en retirant la concession de la collecte d'ordures à des entreprises privées au profit de la compagnie publique des eaux.
Cette décision de le démettre, contre laquelle il a interjeté appel, a été rendue par le "procureur général" de Colombie, Alejandro Ordoñez, un fonctionnaire élu par le Sénat à la tête de l'organisme autonome et distinct du parquet, qui défend les intérêts de l'Etat.
M. Petro, outre son appel, a introduit un recours devant un tribunal, estimant que la procédure n'avait pas été conforme aux règles, a annoncé à l'AFP son avocat Luis Eduardo Parra. "Nous cherchons une suspension provisoire de l'acte de destitution", a expliqué son défenseur.
Pour le premier magistrat de Bogota, qui dément avoir enfreint la loi, on cherche en réalité en le sanctionnant à porter atteinte aux négociations de paix avec les Forces armées révolutionnaires de Colombie (Farc), auxquelles M. Ordoñez est un opposant notoire.
"C'est un message qui vise à saper la possibilité que la guerre se termine", a assuré M. Petro, évoquant ces pourparlers entre le gouvernement colombien et la rébellion marxiste qui se déroulent depuis plus d'un an à Cuba dans l'espoir de mettre fin à un conflit d'un demi-siècle.
"C'est un message direct pour La Havane et il a été perçu ainsi", a-t-il souligné, estimant que les Farc "sentent qu'on les a trompées".
Celui qui a par le passé milité au sein de la guérilla du M-19 (Mouvement du 19 avril), dissoute en 1990, et qui a été sénateur clame qu'on cherche à abattre un symbole.
"Je suis la démonstration du fait que la paix est possible dans le sens où des gens qui ont abandonné les armes peuvent accéder pacifiquement au pouvoir", a martelé cet homme qui a bâti sa carrière sur la lutte contre la corruption et la défense des couches populaires,.
S'estimant "renforcé" par sa destitution, M. Petro a invité ses partisans à poursuivre la mobilisation "pacifique" en sa faveur qui s'est traduite par des manifestations quotidiennes.
Le président Santos, à l'origine du processus de paix avec les Farc, a jusqu'ici seulement exhorté la population à "conserver la sérénité" et respecter les mesures légales, que ce soit la sanction ou l'appel.
Le gouvernement a par ailleurs protesté contre les Etats-Unis dont l'ambassadeur en Colombie, Kevin Whitaker, a exprimé sa préoccupation face à une éventuelle "érosion du processus de paix" avec les Farc.
"Il faut savoir que les ambassadeurs n'ont pas à s'exprimer sur les affaires intérieures" qui doivent être "respectées", a déclaré la ministre colombienne des Affaires étrangères, Maria Angela Holguin, dans un entretien avec la radio locale W.
Les autorités de Bogota avait aussi rappelé à l'ordre mardi la représentation de l'ONU en Colombie pour avoir critiqué la destitution de M. Petro, rappelant que "les organismes internationaux n'ont pas à prendre parti".
an/pz/bds