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Grands vins contrefaits: trois vignerons français témoignent à New York

Grands vins contrefaits: trois vignerons français témoignent à New York

Trois responsables de grands domaines français de Bourgogne ont témoigné jeudi à New York dans le procès du collectionneur de vins Rudy Kurniawan, jetant une lumière crue sur ses mensonges, et les contrefaçons parfois évidentes dont il est accusé.

Rudy Kurniawan, un Indonésien de 37 ans, un temps considéré comme l'un des meilleurs experts au monde, est accusé d'avoir vendu des centaines de faux grands crus français, qu'il fabriquait dans sa cuisine en Californie. Certains étaient présentés comme des Bourgogne des Domaines Ponsot, Roumier ou Romanée-Conti, aux vins particulièrement réputés.

Laurent Ponsot, co-propriétaire du Domaine Ponsot, a raconté à la barre comment il avait été alerté par email en avril 2008, deux jours avant une vente aux enchères à New York, où étaient notamment proposées 97 bouteilles de son domaine, estimées à entre 440.500 et 602.000 dollars.

"Depuis quand produisez-vous du Clos Saint-Denis ?", lui demande un ami. "Pourquoi?" lui répond le vigneron. L'ami lui explique que la vente propose du Clos Saint-Denis des années 45 et 49.

"C'est une appellation que nous avons commencée en 1982", a expliqué M. Ponsot aux jurés new-yorkais.

Il contacte immédiatement la maison d'enchères, Acker, Merrall et Condit, demande que ses vins soient retirés. Le "oui" qu'il obtient au téléphone ne le rassure pas: il saute dans un avion.

"Je suis arrivé dix minutes après le début de la vente", raconte Laurent Ponsot. Les vins, proposés par Rudy Kurniawan, sont alors retirés.

Plusieurs des bouteilles étaient exposées jeudi dans la salle d'audience, et M. Ponsot en a facilement expliqué la contrefaçon, détaillant les étiquettes, les capsules.

"Celle-là est évidente. Du Clos Saint-Denis de 1945, cela ne peut pas exister. Et une étiquette (du revendeur) Nicolas ? Nous n'avons jamais vendu à Nicolas", explique-t-il en anglais, bouteille à la main.

Un Clos de la Roche 1929 ? "Nous n'avons commencé à mettre en bouteille au domaine" que dans les années 30.

M. Ponsot pointe les nombreuses erreurs, une étiquette des années 50 sur un prétendu Clos de la Roche de 1945, la signature de son grand-père au lieu de celle de son père sur une autre bouteille, une capsule dorée quand le Domaine n'en a jamais utilisé.

Il raconte avoir déjeuné avec Kurniawan le lendemain de la vente pour lui demander d'où viennent ses vins.

"Il regardait son assiette. Il m'a dit + je ne sais pas, j'achète tellement de bouteilles+. J'ai trouvé ça bizarre".

Il le relance par email en mai. Kurniawan, qui à l'époque achetait et vendait des milliers de bouteilles par an, gagnant des millions de dollars, lui donne finalement un nom, qui ne conduit nulle part.

En juillet, Ponsot invite Kurniawan à déjeuner à Los Angeles, insiste. Kurniawan lui écrit deux numéros de téléphone sur un papier, lui expliquant que c'est à Djakarta. Ceux-ci sont également des faux numéros.

Il revoit encore Kurniawan en mai 2009, lui demande les détails qu'il n'a jamais fournis. "Il me les a promis pour le lendemain, je les attends toujours", a raconté M. Ponsot.

Laurent Roumier, du Domaine du même nom, a lui aussi témoigné de contrefaçons évidentes, comme un Bonne Mares, autre grand cru de Bourgogne, de 1923. C'était un an avant la création du Domaine.

Troisième à témoigner, Aubert de Villaine, co-gérant du domaine de la Romanée-Conti, l'un des domaines les plus prestigieux au monde, a été invité à regarder certaines étiquettes datées 1899, 1906... trouvées chez Kurniawan. "C'est extraordinaire, tant d'étiquettes pour des vins qui ont complètement disparu. Je n'en ai jamais eu autant dans la main" a-t-il déclaré, déclenchant les rires.

Après l'audience, il a dit espérer "une vraie condamnation de la contrefaçon". Celle de Kurniawan "était déjà sophistiquée, mais depuis deux ans en Europe, il y en a qui sont encore plus sophistiquées", a-t-il confié à l'AFP.

"On se devait d'intervenir", a estimé aussi Laurent Roumier. "Ce cas là n'est pas unique".

Tous deux regrettent la spéculation, insistent sur le fait que le bon vin est fait pour être bu.

"Le vin c'est un plaisir, c'est aussi le respect d'une façon de travailler", ajoute Laurent Roumier.

Rudy Kurniawan risque jusqu'à 40 ans de prison.

bd/bdx

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