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France: l'accusation favorable à une extradition vers la Russie de l'oligarque kazakh Abliazov

France: l'accusation favorable à une extradition vers la Russie de l'oligarque kazakh Abliazov

L'accusation s'est prononcée jeudi en faveur d'une extradition, en priorité vers la Russie, de l'opposant et oligarque kazakh Moukhtar Abliazov, détenu en France, sa défense plaidant vigoureusement un fondement politique à cette démarche derrière laquelle elle voit la main du Kazakhstan.

La décision a été mise en délibéré au 9 janvier.

Après avoir demandé dans la matinée à la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-en-Provence (sud) d'accéder favorablement à la demande d'extradition de l'Ukraine, l'avocate générale Solange Legras en a fait de même l'après-midi pour la Russie, demandant même à la cour de "prioriser" la demande de Moscou sur celle de Kiev au vu des "faits considérablement plus graves" qui auraient été commis sur le territoire russe par l'ancien président et actionnaire principal de la banque kazakh BTA.

Agé de 50 ans, M. Abliazov aurait commis à ce titre quelque 5 milliards de dollars de malversations financières sur le sol russe, contre 400 millions en Ukraine à la fin des années 2000, à travers des montages financiers délictueux qui auraient "atteint l'apocalypse", a-t-elle lancé: prêts fictifs, détournement de fonds, absence de nantissement, cascade de société off-shore...

Pour ses défenseurs, M. Abliazov aurait au contraire simplement tenté de protéger ses actifs, pour ne pas les laisser aux mains du régime kazakh lors de la nationalisation de l'établissement en 2009, au moment où il a fui le pays pour le Royaume-Uni.

Mme Legras a aussi et surtout fermement rejeté l'hypothèse selon laquelle les demandes seraient fondées sur des raisons politiques.

"Il n'est pas indiqué qu'il soit un homme politique en Russie. En réalité, il se positionne en homme politique d'opposition au Kazakhstan, s'est constitué un statut de victime mais, que je sache, ce n'est pas le Kazakhstan qui le réclame", a ainsi poursuivi la magistrate.

Elle a également dit sa "confiance" sur le fait que les garanties lui seront accordées dans les deux pays en matière de condition de détention et de procès équitable, rejetant toute perspective d'une éventuelle ré-extradition vers le Kazakhstan, qui serait contraire aux conventions internationales de 1951 (Genève) et de 1957 (Droits de l'Homme) signés par ces deux pays.

Les représentants de l'Ukraine et de la Russie ont eux aussi assuré à l'audience qu'ils offraient toutes ces garanties.

Derrière son box vitré, l'ex-banquier s'est dit "absolument convaincu d'être poursuivi pour des raisons politiques", assurant que "toutes les accusations" portées contre lui étaient "fausses" et que "tout avait été fabriqué par le Kazakhstan". "C'est le président Nazarbaïev, au pouvoir depuis 29 ans, qui me poursuit de sa haine! En Ukraine et en Russie, il y a les mêmes prisons qu'au Kazakhstan, où j'ai connu la torture" en 2003.

L'un de ses avocats, Bruno Rebstock, a repris l'argument, dénonçant la tournure des débats centrés principalement sur les supposés malversations financières de son client, et non sur les risques d'une extradition. Il a moqué la demande de "deux Etats qui se donnent la main, car c'est évidemment d'une extradition vers le Kazakhstan dont il est question".

"La Russie et l'Ukraine essaient de vous séduire, à travers un chapelet d'allégations sans preuve. Mais en terme de droit effectif, aucun de ces deux pays ne peut apporter de garantie acceptable", a-t-il poursuivi, citant de nombreux rapports d'ONG et de la cour européenne des droits de l'Homme sur "la corruption des systèmes judiciaires et du système pénitentiaire de ces pays". Et de citer aussi le sort réservé par Moscou aux militants de Greenpeace et Pussy Cat.

"Ne nous couvrez pas de honte!", a lancé à la cour un autre conseil de l'oligarque, Jean-Pierre Mignard, évoquant au passage les manifestations actuelles en Ukraine "au nom du droit".

M. Abliazov est considéré comme l'un des principaux opposants du président Noursoultan Nazarbaïev, dont il a régulièrement dénoncé les dérives autocrates, co-fondant le parti Choix démocratique en 2002, ce qui lui valut disgrâce et emprisonnement en 2003. Cet homme d'affaires ayant fait fortune dans les années 1990 dans le négoce notamment fut longtemps l'un des proches du président, et nommé ministre de l'Energie entre 1998 et 1999.

Londres lui a accordé l'asile politique en 2011 mais la BTA lui intente depuis une série de procès au civil. Il a ainsi été condamné en février 2012 à 22 mois de prison pour outrage à la cour, pour avoir dissimulé certains de ses actifs. C'est le moment où il disparaît, évoquant des questions de sécurité. Sur renseignement de détectives de la BTA, la France l'interpelle le 31 juillet, hélicoptère à l'appui, dans une somptueuse villa. Depuis, il continue d'être jugé, par défaut, en Angleterre, où il a déjà été condamné à rembourser quelque 4 (BIEN 4) milliards de dollars.

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