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Kenya: 50 ans d'indépendance et des défis encore majeurs à relever

Kenya: 50 ans d'indépendance et des défis encore majeurs à relever

Le Kenya marquait jeudi le cinquantenaire de son indépendance du Royaume Uni, fier de son rôle de locomotive économique est-africaine, malgré de nombreux défis -- pauvreté, corruption, violences ethniques -- encore à relever.

Les festivités ont commencé à minuit, quand le drapeau kényan a été érigé à l'Uhuru Gardens -- les jardins de la liberté --, à l'endroit précis où le drapeau britannique avait laissé la place au drapeau kényan il y a tout juste 50 ans.

Dans la journée, le président Uhuru Kenyatta, élu en mars, rejouera un autre moment d'Histoire en s'adressant à la Nation comme son père, Jomo Kenyatta, devenu en 1964 le premier président de la République du Kenya, le fit cinq décennies plus tôt.

A l'époque, la population dansait dans les rues.

Aujourd'hui encore, le gouvernement a ravivé la flamme patriotique en publiant, dans les principaux quotidiens du pays, des publicités à la gloire des combattants Mau Mau, insurrection-clé dans l'accès à l'indépendance.

Mais pour de nombreux Kényans, l'heure est aussi au bilan: la société est ultra-inégalitaire, meurtrie par des violences ethniques qui, depuis 50 ans, ont jalonné la plupart des échéances politiques du pays, culminant fin 2007 et début 2008 par des massacres d'ampleur sans précédent. La classe dirigeante est, elle, classée parmi les plus corrompues.

"Il va y avoir une avalanche d'hagiographies", notait récemment un célèbre chroniqueur kényan, Patrick Gathara. "Le Kenya va mettre son plus bel habit du dimanche et s'asperger de parfum patriotique pour couvrir la puanteur de ces cinq dernières décennies".

Car au-delà des violences ethniques -- qui valent au président Kenyatta et à son vice-président William Ruto une inculpation devant la Cour pénale internationale (CPI) pour crimes contre l'humanité --, l'Histoire post-coloniale kényane est marquée par une accumulation de moments sombres: accaparement de terres par une élite, assassinats politiques dès l'ère Kenyatta père, instauration d'un régime de parti unique et tortures par centaines sous la présidence de son successeur Daniel arap Moi...

En 2010, les Kényans ont voulu tourner une page, adoptant, près de 20 ans après le rétablissement du multipartisme, une nouvelle Constitution censée renforcer les bases de la démocratie, engager une réelle réforme foncière, aider à panser les plaies des violences ethniques. Mais qui est encore peu suivie d'effets.

Gado, l'un des principaux caricaturistes kényans, a récemment dessiné une carte de son pays dans le quotidien Daily Nation qui compare les défis de 1963 à ceux d'aujourd'hui: ceux de 63 sont toujours là, flanqués de deux nouveaux venus -- tribalisme et corruption.

Pour la jeunesse qui vivote dans les rues de Nairobi en vendant des souvenirs aux touristes, la priorité est moins de glorifier le passé que de créer emplois et services publics.

"S'ils dépensaient l'argent en eau potable et hôpitaux, ce serait vraiment une façon de marquer l'indépendance", commente George Odula, un habitant d'un des bidonvilles de la capitale, Kangemi.

"Il est indéniable que des progrès ont été accomplis", relevait encore M. Gathara, appelant cependant à examiner les bons comme les mauvais côtés des décennies passées.

Le Kenya se pose en puissance régionale, vient de lancer un important projet ferroviaire vers l'Ouganda, modernise son port congestionné de Mombasa et, là où de nombreux pays peinent encore à sortir de la crise, affiche des taux de croissance enviables: 4% en 2012, 5,5% prévu en 2013.

Mais "moins sera dit sur le fait que le Kenya est l'une des places les plus inégalitaires sur terre, que l'essentiel du progrès, en particulier la croissance des revenus, est largement concentré entre les mains de 5% de la population", ajoutait M. Gathara.

Pour Uhuru Kenyatta, issu de l'une des familles les plus riches d'Afrique, ce cinquantenaire aura aussi été l'occasion de tirer à boulet rouge sur le monde occidental, accusé de relents colonialistes dans son soutien au processus engagé contre lui et son vice-président devant la CPI.

"Nos ancêtres ont rejeté le colonialisme et la domination impériale en leur temps", lâchait-il en octobre lors d'une autre fête nationale -- Mashujaa Day ou journée des martyrs.

"Nous devons honorer leur héritage, rester fidèle à notre héritage, en rejetant toute forme de domination et de manipulation à notre tour".

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