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Le combat de Geraldine contre le pipeline

Le combat de Geraldine contre le pipeline

Elle s'appelle Geraldine Thomas. À 51 ans, elle se bat contre ce qu'elle appelle « l'enfer sur Terre », le pétrole des sables bitumineux qui partirait d'Alberta, passerait sur les terres de sa bande autochtone pour aboutir à Kitimat, dans le nord de la Colombie-Britannique.

Un texte de Frédéric Arnould

Geraldine fait tout ce qu'elle peut pour empêcher que le fameux pipeline d'Enbridge, dans le cadre du Northern Gatway, voit le jour dans sa région. Elle n'est pas la seule, en fait elle coordonne les efforts d'unité de 160 Premières Nations de la Colombie-Britannique qui ont signé la Déclaration du Fraser, du nom du fleuve qu'elles tentent de protéger en s'opposant au projet de pipeline.

Six bandes autochtones dont fait partie celle de Geraldine se sont constitué en un groupe très revendicateur, prêt à tout pour stopper Enbridge : l'Alliance Yinka Dene. Au premier plan de cette alliance, le clan Thomas : Geraldine, bien sûr, mais aussi sa cousine Jackie, ancienne chef de bande et son oncle, Stanley, l'actuel chef de la bande Saikuz.

Tous vous diront la même chose : le risque pour l'environnement en cas de fuite du pipeline est trop grand, pas question que le projet aille de l'avant. « Ce n'est pas juste si une fuite arrive, disent-ils tous en chur, c'est de savoir quand cette fuite arrivera ».

Selon ces Premières Nations, Enbridge leur avait proposé 10 % de participation dans le projet si elles acceptaient de collaborer. Mais, mis à part une petite poignée de bandes autochtones, elles ont pour la grande majorité refusé l'offre.

La question est facile, mais auraient-ils accepté si la proposition avait été plus généreuse, genre 20 %, 30 % ou plus ? Réponse unanime : Non ! « La protection de l'environnement et des sources d'eau du nord de la province est menacée par le projet », ajoute Geraldine.

Si l'eau est contaminée par une fuite, selon elle, c'est toute une manière de vivre des Autochtones qui va disparaître : plus de pêche, plus de chasse, les générations futures souffriront.

Depuis deux ans maintenant, les Autochtones du nord de la province ont multiplié les manifestations d'opposition au Northern Gateway. Des manifestations qui ne sont pas seulement peuplées de Premières Nations, puisque la plupart des Britanno-Colombiens sont contre le projet. Le maire de Vancouver, Gregor Robertson, est l'une des figures éminentes de ce mouvement.

Jusqu'ici, rien ne semble avoir infléchi Enbridge ou même le gouvernement fédéral qui n'a jamais caché qu'il était en faveur du projet, qui générera des revenus de plusieurs milliards en termes de redevances.

Geraldine Thomas et sa famille se sentent démunis face aux moyens financiers de la compagnie pétrolière, que ce soit lors des audiences de la Commission d'examen conjoint du projet Northern Gateway, où leurs plus grands experts étaient sur place, ou encore par le biais de campagnes de promotion diffusées sur Internet ou sur les chaînes de télévision. Elles vantent les mérites du projet pour l'économie canadienne et la création d'emplois.

Le clan Thomas balaie tout cela du revers de la main. Stanley Thomas, chef des Saikuz, aime répéter que « si l'argent continue de s'empiler, cela ne vaut rien s'il n'y a plus rien à manger dans la Nature, qu'allez-vous faire ? Manger l'argent ? »

Les moyens de pression des Premières Nations sont, selon certains d'entre eux, dérisoires, mais parmi le clan Thomas, les Autochtones n'ont pas dit leur dernier mot. En fait, ils planifient déjà des actions plus radicales, des coups d'éclat pour s'afficher devant les caméras du monde entier.

Dans l'attente du rapport de la commission dans les prochaines semaines, les Thomas ne se font pas d'illusions. Ils pensent que le projet sera accepté dans le rapport, moyennant peut-être toute une ribambelle de recommandations de la commission, pour s'assurer de la sécurité environnementale du projet.

Ils rappellent toutefois que, peu importe ce que recommandera ou pas le rapport, c'est le gouvernement fédéral qui aura le dernier mot pour l'approbation du Northern Gateway. Et comme celui-ci veut exporter le pétrole canadien vers l'Asie, un client gourmant à ne pas négliger, les Premières Nations signataires de la Déclaration du Fraser ne sont pas d'illusions.

Geraldine et son clan sont prêts à aller jusqu'au bout pour s'opposer au projet. Elle et sa cousine Jackie nous ont juré plusieurs fois qu'elles étaient prêtes à donner leur vie pour « sauver les générations futures ». Blocages de routes, actes de désobéissance civile, ces Premières Nations n'excluent rien dès le printemps 2014.

Faut-il s'attendre à des démonstrations aussi fortes qu'à Clayoquot Sound (Colombie-Britannique) en 1993 où la plus grande manifestation de désobéissance civile dans l'histoire canadienne a permis de stopper la déforestation par les entreprises forestières ?

Ou encore à une autre crise comme celle que le Québec a connue en 1990 à Oka ? Geraldine corrige le tir : « Cette fois-ci, ce sera différent, car la population non autochtone de Colombie-Britannique est avec nous », citant les sondages d'opinion où une forte majorité de résidents de la province sont contre le projet.

Son oncle, Stanley dit que personne dans son clan n'a peur de paraître comme le « méchant perturbateur de l'économie canadienne » dans cette histoire, car précise-t-il, les Canadiens savent que les Autochtones ne font pas cela juste pour eux, mais pour l'ensemble de la population.

Une détermination qui risque de faire du bruit dans les prochains mois si le projet est effectivement accepté par le gouvernement canadien. Geraldine, elle, nous quitte en réitérant sa promesse de faire reculer la pétrolière...à tout prix.

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