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Pipelines : la technologie ne détecte qu'une fuite sur 10

Pipelines : la technologie ne détecte qu'une fuite sur 10

Des données fédérales obtenues par Radio-Canada remettent en question les promesses des exploitants de pipelines qui assurent que leur technologie leur permet de détecter rapidement les déversements.

Selon une base de données du Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST), seulement 10,8 % des fuites au pays durant la dernière décennie ont été détectées par cette technologie appelée SCADA.

L'agence compile uniquement des informations sur les pipelines qui traversent les frontières entre les provinces.

Le document du BST répertorie 991 fuites survenues de janvier 2003 à juin 2013. Il donne notamment des renseignements sur la date, le lieu, l'ampleur et les méthodes de détection des fuites.

Plusieurs experts et compagnies d'énergie soulignent que la majorité des fuites inscrites au registre sont minimes. Or, les capteurs sont incapables de détecter les pertes de très faible quantité. Le document mentionne en effet des fuites aussi petites que 5 ml, l'équivalent d'une cuillère à thé.

« Les systèmes de détections des fuites ont un certain niveau de sensibilité. Ils ne détectent que les fuites d'une certaine ampleur et le seuil varie de pipeline en pipeline, » explique le vice-président à la sécurité de l'Association canadienne de pipelines d'énergie, Ziad Saad.

Les ratés du système

Dans certains cas notables, ce sont toutefois des citoyens, plutôt que la technologie, qui ont sonné l'alarme. Selon un rapport d'enquête du BST, c'est arrivé en septembre 2009 dans le nord de l'Ontario, alors qu'une explosion de gaz naturel dans une conduite de TransCanada a été signalée par les pompiers d'Englehart, plusieurs minutes après la déflagration.

TransCanada n'a pas voulu nous accorder d'entrevue. Toutefois, dans un courriel, son porte-parole, Davis Sheremata, réfute le rapport d'enquête fédéral et écrit que c'est l'alarme du système SCADA qui a conduit le centre de contrôle à fermer les valves.

Dans sa documentation sur son projet controversé d'inverser le flux de la ligne 9B entre l'Ontario et le Québec, Enbridge avance une « surveillance et une capacité de détection des fuites 24 heures sur 24 ».

La compagnie affirme aussi avoir amélioré ses méthodes de détection depuis le déversement de 20 000 barils de pétrole en 2010 dans la rivière Kalamazoo au Michigan.

Pourtant, le système de contrôle d'Enbridge n'a pas fonctionné le 9 mai 2011 dans les Territoires du Nord-Ouest. Selon la base de données du BST, c'est un membre du public qui a signalé une fuite allant de 111 300 litres à 238 500 litres de pétrole brut à 50 km au sud de Wrigley.

Le porte-parole d'Enbridge, Éric Prud'homme, admet que la surveillance électronique n'est pas parfaite. « Le système SCADA, ce que ça nous rapporte, c'est une donnée en temps réel, une façon d'évaluer. Mais il faut rassurer les gens que le système SCADA n'est pas la seule façon avec laquelle nous évaluons l'intégrité du pipeline, » dit-il.

Pour sa part, Richard B. Kuprewicz, qui a travaillé durant plus de 40 ans dans l'industrie, pense que les exploitants de pipelines ne devraient pas exagérer le rendement de la technologie.

Selon l'expert qui s'est allié au groupe environnementaliste Équiterre, la détection des fuites à partir de capteurs qui mesurent la pression n'est pas une chose facile.

« Dans une journée, il y a beaucoup de variations de pression dans les pipelines pour plusieurs raisons comme des changements dans la composition des liquides, dans la vitesse de transport, dans les réglages. De tous ces changements, lesquels sont normaux, lesquels sont signe d'une fuite? », explique-t-il.

Il ajoute que les centres de contrôle reçoivent plusieurs fausses alertes par jour.

Les experts précisent que plus le diamètre d'un pipeline est élevé plus il est difficile d'y repérer les petites fissures.

Aux États-Unis, un rapport de la Pipeline and Hazardous Materials Safety Administration a révélé en 2012 que la technologie SCADA avait détecté environ 12 % des fuites de liquide survenues du 1er janvier 2010 au 7 juin 2012.

*Un dossier d'Annie Poulin

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