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Les Janettes satisfaites, la Fédération des femmes craint une « discrimination officialisée »

Les Janettes satisfaites, la Fédération des femmes craint une « discrimination officialisée »

Les réactions n'ont pas tardé à fuser, à la suite du dépôt jeudi du projet de loi 60 sur une charte des valeurs du gouvernement québécois. Plusieurs regroupements s'étaient déjà exprimés pour ou contre, après le dévoilement du projet en septembre, mais ils ont eu l'occasion de clarifier ou de réaffirmer leur position, jeudi.

Appui des Janettes et de la Coalition laïcité Québec

Les Janettes, regroupement de femmes mené par l'auteure Janette Bertrand, sont favorables au projet de loi parce qu'il « affirme clairement les valeurs de neutralité de l'État et de l'égalité entre les femmes et les hommes ». Ce groupe à l'origine de la Marche de la laïcité invite d'ailleurs l'ensemble des députés à donner leur appui à la poursuite de cette démarche.

Les Janettes font valoir que « la laïcité et l'égalité entre les femmes et les hommes sont garantes d'un vivre-ensemble qui respecte la diversité et la pluralité du Québec. Tous les citoyens doivent pouvoir se reconnaître dans l'État au-delà des religions ».

La Coalition laïcité Québec (CLQ) a été la première à se prononcer publiquement en appuyant le projet de loi. « Nous estimons que le devenir d'une société ne peut se fonder sur l'exacerbation des différences, mais bien sûr l'adhésion à un socle commun de valeurs citoyennes », a déclaré la coordonnatrice de la Coalition laïcité Québec (CLQ), Michèle Sirois.

La CLQ précise que l'interdiction des symboles religieux pour les employés de l'État constitue un devoir de réserve auquel ils sont soumis d'emblée. « Les tribunaux internationaux qui se sont penchés sur les restrictions quant à l'expression de la liberté religieuse ont tous confirmé qu'il s'agissait, dans le cas des employés des services publics, de restrictions acceptables, pour le bien commun », souligne le communiqué de la CLQ.

La FFQ inquiète pour les musulmanes dans la fonction publique

La présidente de la Fédération des femmes du Québec (FFQ), Alexa Conradi, affirme que « l'interdiction des signes religieux va, au sein de la fonction publique, créer une forme de discrimination officialisée et cela nous inquiète beaucoup, notamment parce qu'il y a un groupe de femmes au Québec, les femmes musulmanes, qui portent le foulard et qui risquent de se retrouver plutôt exclues de la fonction publique. Et c'est l'employeur principal des femmes au Québec ».

La présidente ajoute que le gouvernement n'a pas tenu compte des réserves déjà évoquées par la Fédération. « Cette charte ne fera rien pour contrer les fondamentalistes », ajoute la présidente.

Les garderies craignent une pénurie de main-d'uvre

« On n'apprécie pas que le gouvernement vienne nous dire comment gérer nos ressources humaines et leur habillement. Ça nous choque! » clame Mona Lisa Borrega, de l'Association des garderies privées du Québec.

Elle craint que l'adoption de la charte n'aggrave la pénurie de main-d'uvre dans le milieu. Environ 30 % des éducatrices des garderies privées porteraient le voile. « Il n'y aura pas assez d'éducatrices pour remplacer celles qui devront quitter », croit-elle.

M. Borrega se désole que la nouvelle mouture de la charte soit « encore plus rigide », avec la disparition du droit de retrait. Les Centres de la petite enfance et les garderies privées subventionnées n'ont droit qu'à une période de transition d'un an, contrairement aux établissements de santé, cégeps, universités et municipalités, qui obtiennent entre cinq et neuf ans.

Pour un Québec inclusif craint des difficultés à l'embauche

« L'État manque de neutralité de façon flagrante parce qu'il légifère sur les pratiques des individus. Des gens qui vivent des difficultés à l'embauche vont être confrontés à davantage de difficultés. On fait sans cesse la promotion de l'égalité hommes-femmes et, en réalité, les principales qui vont écoper ce sont les femmes », affirme Dalila Awada, étudiante et membre du mouvement Pour un Québec inclusif.

« Un recul des droits humains au Québec », selon la Ligue des droits

La Ligue des droits et libertés (LDL) dénonce haut et fort le projet de loi 60.

« L'idée d'une charte axée sur les "valeurs québécoises" a pour effet d'accorder au groupe majoritaire le pouvoir d'accorder des privilèges aux autres groupes, alors qu'un État laïque vise plutôt à garantir les droits et libertés de tous et toutes. Cette logique, faisant des droits des un-e-s, des privilèges pour les "autres", est inacceptable » affirme Dominique Peschard, président de la LDL.

« En assujettissant les droits à des valeurs dites communes, on favorise la discrimination, la stigmatisation et l'exclusion », poursuit Nicole Filion, coordonnatrice de la LDL.

La Fédération autonome de l'enseignement craint une division

La Fédération autonome de l'enseignement (FAE), qui regroupe huit syndicats représentant quelque 32 000 enseignants, déplore que le projet de loi ne cherche pas à rassembler les Québécois.

« Affirmer la laïcité de l'État est une chose, prétendre légiférer sur des valeurs en est une autre. Les dernières semaines n'auront pas permis de discuter sereinement de la pertinence d'un projet de laïcité, mais au contraire d'exacerber les passions et de diviser la population », a déclaré le président de la FAE, Sylvain Mallette, dans un communiqué.

« Loin d'être rassembleur, ce projet de loi est déposé dans un contexte de controverse alimentant l'intolérance vis-à-vis l'expression de points de vue divergents ou favorisant, hélas, la formulation de discours xénophobes. On ne peut pas dire que ce dépôt de projet de loi survient au terme d'un exercice positif », ajoute-t-il.

Les syndicats demeurent prudents

La Centrale des syndicats du Québec (CSQ) consultera ses membres au sujet de l'interdiction du port de signes religieux ostentatoires, a indiqué Marc Nantel, vice-président de la CSQ. La Centrale représente près de 130 000 syndiqués dans le secteur de l'éducation.

La CSQ a déjà adopté, en 2012, une décision précisant que la laïcité de l'État, des institutions et des services publics est une condition essentielle à l'exercice des libertés.

La Confédération des syndicats nationaux (CSN) a indiqué que ses membres prendront une position définitive lors du prochain congrès en décembre. « On est favorable à une charte de la laïcité, mais il faut mesurer ce que cela veut dire sur le droit au travail. C'est quelque chose de fondamental pour les gens que l'on représente », affirme le président de la CSN, Jacques Létourneau. La CSN représente près de 180 000 syndiqués du secteur public (santé, éducation, organismes gouvernementaux et secteur municipal).

La Fédération des commissions scolaires du Québec (FCSQ) ouverte au projet de loi 60

La FCSQ affirme que le principe d'égalité entre les hommes et les femmes est fondamental « puisque les problèmes qui sont rapportés par les écoles et les centres de formation portent souvent sur cette question ». La Fédération est aussi d'accord avec le « principe de neutralité religieuse de l'État qui fait l'objet d'un consensus social au Québec et rappelle que les écoles sont des établissements déconfessionnalisés depuis 2000 ».

La Fédération s'interroge toutefois au sujet des motifs qui sont invoqués pour ne pas permettre aux commissions scolaires une période de transition de cinq ans.

Le Conseil du patronat : « la charte n'est pas une priorité pour les employeurs »

Le Conseil du patronat a consulté 100 employeurs au sujet de la Charte des valeurs québécoises : « 82 % des employeurs consultés estiment qu'il s'agit là d'un dossier qui risque d'avoir des effets négatifs sur l'image du Québec dans le monde. La grande majorité des commentaires reçus de nos membres sont à l'effet qu'une telle charte comporte beaucoup plus d'impacts négatifs que positifs », affirme le président du CDP.

La Fédération des chambres de commerce du Québec (FCCQ) inquiète pour l'économie

La Fédération des chambres de commerce réitère ses inquiétudes face aux retombées sur l'économie du Québec. « L'interdiction du port de symboles religieux crée des tensions inutiles qui rendront plus difficile le recrutement de talents, un ingrédient essentiel au développement économique et à la croissance des entreprises. »

Elle fait valoir que « le gouvernement est responsable de plus de 20 % de l'activité économique du Québec, on comprend rapidement l'impact économique des mesures proposées ».

B'nai Brith Canada condamne la Charte

B'nai Brith Canada condamne le projet de loi 60 déposé jeudi. « Cette Charte viole plu sieurs des droits fondamentaux prévus par les Chartes canadienne et québécoise ». affirme l'organisation.

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