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Les commotions, un problème chronique

Les commotions, un problème chronique

Trente ans après avoir subi des commotions cérébrales, on peut encore en ressentir les conséquences. Pertes de mémoire, dépression et, dans le pire des cas, démence. Entretien avec le neuropsychologue Louis De Beaumont.

Un texte d'Olivier Paradis-Lemieux

Longtemps, l'intérêt des chercheurs s'est porté sur les conséquences à court terme des commotions.

Mais la phase chronique, qui survient quand l'individu avance en âge, est le sujet de bien des débats cette semaine avec la parution du documentaire et du livre League of Denial.

Cette deuxième phase « guette potentiellement tous les athlètes ayant subi de multiples commotions cérébrales », écrit Louis De Beaumont dans un article sur les effets cumulatifs des commotions dans le sport.

Le Dr De Beaumont et ses collègues québécois ont démontré en 2009 qu'il existait un lien significatif entre les commotions subies trente ans plus tôt par d'anciens hockeyeurs et footballeurs universitaires et le déclin de leurs fonctions cérébrales, dont la mémoire.

« Il n'y a que 1 % ou 2 % de chances que le déclin observé chez ces sujets ne soit pas lié aux commotions cérébrales », nous précise-t-il.

Quatre ans plus tôt, une étude américaine montrait que des footballeurs retraités étaient nettement plus susceptibles de développer la maladie d'Alzheimer s'ils avaient subi au moins trois commotions.

Quand le cerveau vieillit

Le facteur aggravant dans l'évolution des maladies neurodégénératives est l'âge du sujet, car « la capacité du cerveau à se réorganiser diminue, de sorte qu'il manque de ressources » explique le Dr De Beaumont.

« On trouve des marques claires chez des athlètes qui ont subi deux, trois, commotions il y a 30 ans », dit-il.

Récemment, le chercheur québécois et ses collègues ont ainsi trouvé chez des sujets commotionnés il y a au moins 30 ans des structures s'apparentant à ce qu'on retrouve dans les cerveaux d'athlètes décédés atteints d'encéphalopathie chronique traumatique (ECT).

Une percée dans le domaine. Pour la première fois, on observait ces structures chez des sujets vivants.

Qu'est-ce que l'ECT ?

L'ECT est ce qu'on appelait autrefois la démence pugilistique (punch-drunk syndrome), mais elle n'est pas réservée qu'aux boxeurs. Elle a maintenant été découverte, après leur décès, chez des joueurs de football, de hockey et de soccer.

L'ECT est une maladie complexe, causée par des coups répétés à la tête. « Son niveau d'atteinte varie de sujet en sujet », nous explique Dr De Beaumont.

Elle consiste, entre autres, en une accumulation d'une protéine, nommée Tau, « distribuée partout dans le cerveau ». Protéine notoire, « la protéine Tau est un des deux marqueurs de la maladie d'Alzheimer », fait remarquer le neuropsychologue.

Et comme la maladie d'Alzheimer, l'ECT comporte plusieurs stades d'avancement en fonction de la dégradation du cerveau.

Mais l'ECT n'a pas encore été diagnostiqué chez un sujet vivant. Ce qu'on sait de l'évolution de la maladie nous vient des témoignages des proches de ceux qui en étaient atteints.

Certains étaient asymptomatiques, la maladie étant à son premier stade.

Chez d'autres, on a noté une plus grande impulsivité, des symptômes de dépression, des pertes de mémoire et une incapacité de se concentrer.

Au dernier stade, les sujets étaient en proie à une démence avancée.

Agir

Ce que la recherche semble nous dire, c'est que le cerveau porte en lui les cicatrices des traumatismes subis, et que ces cicatrices peuvent lentement se transformer en plaies ouvertes avec l'âge.

Pour Louis De Beaumont, il y a une nécessité d'agir. Et pas seulement dans les rangs professionnels, mais à tous les niveaux.

Surtout quand on sait que les commotions cérébrales ont « un impact beaucoup plus grand chez les jeunes ».

« Il faut continuer à mettre de la pression sur les associations sportives », nous dit-il, afin qu'elles révisent leurs règlements sur les coups à la tête.

Et pas seulement pour les coups à la tête directs, mais aussi les coups indirects, comme lors d'une mise en échec, par exemple.

À cet égard, il souligne la décision de Hockey Canada d'interdire les mises en échec pour les jeunes de moins de 13 ans, en mai dernier.

Un premier pas pour le reste du Canada. Au Québec, elles sont interdites depuis plus de 25 ans.

Louis De Beaumont est neuropsychologue, professeur à l'Université du Québec à Trois-Rivières, chercheur régulier à l'hôpital du Sacré-Cur de Montréal et titulaire de la Chaire de recherche en neurobiologie du traumatisme craniocérébral léger.

Articles choisis :

Sébastien Tremblay, Louis De Beaumont et al. (2013). Sports concussions and aging : A neuroimaging investigation.

Louis De Beaumont (2012). Les effets cumulatifs des commotions cérébrales dans le sport.

Louis De Beaumont et al. (2009). Brain function decline in healthy retired athletes who sustained their last sports concussion in early adulthood.

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