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La science au silence

La science au silence

Un documentaire pose un regard sévère sur la gestion du dossier des commotions cérébrales par la National Football League (NFL). League of Denial sera diffusé pour la première fois mardi soir.

Un texte d'Olivier Paradis-Lemieux

Le film se base sur le livre éponyme de deux journalistes d'enquête d'ESPN, Mark Fainaru-Wada et Steve Fainaru. League of Denial : the NFL, Concussions and the Battle for Truth est aussi paru en librairie mardi.

Avant même sa sortie, le documentaire a créé des remous dans le monde du football. Selon le New York Times, la NFL aurait demandé au réseau d'ESPN de se retirer du projet lors d'une rencontre entre les hauts dirigeants des deux entreprises.

Le réseau a nié avoir cédé aux demandes de la ligue, mais a ordonné à son partenaire dans le projet, le réseau public américain PBS (et son émission d'enquête Frontline), d'effacer toutes les mentions de la participation d'ESPN au documentaire. De plus, ESPN a aussi enlevé le film de sa programmation.

ESPN donne plus de 1,5 milliard de dollars à la NFL, chaque année, pour diffuser un match le lundi soir.

Le refus de la science

Le documentaire et le livre exposent la prise de conscience de la part de la communauté scientifique des risques de jouer au football pour la santé du cerveau et la réponse de la NFL à une crise croissante.

D'entrée de jeu, les auteurs comparent la stratégie de la NFL dans le dossier des commotions cérébrales à celle de l'industrie du tabac, qui ont tous deux créé leurs propres conseils de recherche, qu'on peut scientifiquement mettre en doute.

Sous le commissaire Paul Tagliabue, la ligue a créé en 1994 le Mild Traumatic Brain Injury Commitee (comité sur les traumatismes cérébraux légers). Les travaux de ce comité ont été publiés dans la revue Neurosurgery, dirigée par un consultant des Giants de New York.

Plusieurs des articles publiés dans cette revue ont été refusés par d'autres journaux scientifiques. D'autres ont été désavoués plus tard par leurs auteurs.

Le déni de la science

Comme l'industrie du tabac, la NFL a aussi tenté de réduire au silence ceux qui ont tenté de la contredire. La ligue est entrée « en guerre avec la science ».

En 2005, selon les auteurs du livre et du documentaire, la NFL a essayé d'obliger certains journaux médicaux de rétracter certaines publications de chercheurs indépendants.

Quatre ans plus tard, un rapport commandé par la NFL aboutissait dans les mains d'un journaliste du New York Times. La recherche démontrait que les joueurs de la NFL étaient 19 fois plus susceptibles de souffrir de problèmes de mémoire qu'un adulte moyen.

La NFL n'avait pas l'intention de publier l'information qu'elle détenait.

Selon une spécialiste interrogée par les auteurs, Ann McKee, qui a étudié 54 cerveaux d'anciens joueurs de la NFL décédés, l'incidence des maladies dégénératives du cerveau chez les joueurs de la NFL est extrêmement élevée, tout est une question de degré. Seulement 2 des 54 cerveaux qu'elle a étudiés ne présentaient pas une encéphalopathie traumatique chronique.

Acheter le silence

Depuis, les poursuites se sont accumulées contre la ligue. Près de 6000 joueurs retraités alléguaient que la NFL avait conduit de fausses recherches afin de cacher le lien entre les commotions et le football.

La NFL et les joueurs retraités se sont entendus hors cours sur le litige pour 765 millions de dollars, une semaine avant le début de la saison 2013.

Cette entente a eu le mérite pour la ligue de lui permettre de ne pas dévoiler quand et ce qu'elle savait des commotions cérébrales et de ses impacts sur la santé des joueurs, actifs comme retraités.

League of Denial donne toutefois un certain éclairage sur ce que la NFL a caché depuis une vingtaine d'années sur les traumatismes répétés subis par ceux qui pratiquent, selon le mot de Vince Lombardi, ce sport de collisions.

La question demeure à savoir si la NFL traite le dossier des commotions cérébrales comme un problème de santé, ou comme un problème de relations publiques.

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