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La charte des valeurs québécoises reçoit un accueil plutôt mitigé

La charte des valeurs : accueil plutôt mitigé
Radio-Canada.ca

MONTRÉAL - La charte des valeurs québécoises reçoit un accueil pour le moins mitigé, particulièrement en ce qui a trait à l'interdiction de porter des signes religieux ostentatoires dans les différentes instances de l'État.

Le coprésident de la commission Bouchard-Taylor, Charles Taylor, croit que le gouvernement du Québec ratisse trop large dans sa définition de la neutralité de l'État, alors que son collègue Gérard Bouchard et lui-même avaient plutôt suggéré que cette neutralité se manifeste dans les politiques de l'État et non dans ce que portent ses employés.

Il ajoute que le fait d'interdire le port de signes religieux envoie un très mauvais message.

«On dit à tout le monde: si vous appartenez à une des religions pour lesquelles un article vestimentaire est essentiel, ne venez pas ici parce que vous serez traités comme des citoyens de second ordre», lance M. Taylor.

Le président du Conseil musulman de Montréal, Salam Elmenyawi, n'a pas caché sa profonde déception, se disant «choqué» par cette charte qui, selon lui, n'est rien d'autre que «la légalisation de la discrimination» contre des minorités dont le gouvernement est responsable.

Il estime que la charte n'aura d'autre effet que d'isoler non seulement les femmes musulmanes qui portent le hijab et qui sont parfois le seul soutien financier du ménage, mais aussi les sikhs et les juifs. Il appelle toutes ces communautés à une grande manifestation samedi et affirme que sa communauté est prête à contester le texte devant les tribunaux. Il ajoute que plusieurs membres de sa communauté ont commencé à s'informer sur la possibilité de prendre des cours d'anglais, dans l'intention évidente de quitter éventuellement la province.

De son côté, si elle se réjouit de l'affirmation de la neutralité de l'État, la Fédération des femmes du Québec estime que le gouvernement Marois a choisi la mauvaise cible avec cette interdiction du port de signes religieux dans la fonction publique. Sa présidente, Alexa Conradi, souligne que cette mesure crée une nouvelle forme de discrimination contre les femmes.

«Au nom de l'égalité, on punit les femmes qui sont croyantes, particulièrement celles qui portent le hijab, dit-elle. En quoi fait-on avancer les choses?»

Elle trouve par ailleurs ironique que l'on invoque la protection du patrimoine culturel pour préserver la présence du crucifix à l'Assemblée nationale.

«Cette croix-là a été le fruit d'une alliance entre Duplessis et le clergé qui avaient travaillé fort pour opprimer les femmes et les empêcher d'avoir le droit de vote», dit Mme Conradi.

La Centrale des syndicats du Québec (CSQ), qui représente la majorité des enseignants du primaire et du secondaire, des travailleurs en centres de la petite enfance et plusieurs autres employés de l'État, se réjouit de la volonté du gouvernement de baliser la question des accommodements raisonnables.

Sa présidente, Louise Chabot, demeure toutefois extrêmement prudente sur la question d'interdire le port de signes religieux ostentatoires dans l'appareil étatique, disant devoir consulter ses membres avant de se prononcer sur cette question qui les touche directement.

Au contraire, la Fédération autonome de l'enseignement (FAE) se prononce clairement contre l'interdiction de porter des signes religieux dans la fonction publique, estimant que cela fait porter à certains le poids de la laïcité et y voit une remise en question du droit au travail des enseignants et autres, simplement parce qu'ils portent un vêtement ou un accessoire ayant une connotation religieuse.

La FAE se dit aussi déçue de voir Québec s'appuyer sur une charte des valeurs, qui fait référence à des principes moraux, plutôt que sur une charte de la laïcité, qui fait appel à des principes politiques. En ce sens, elle juge que la laïcité doit s'appliquer aux institutions plutôt qu'aux individus.

La Fédération des commissions scolaires du Québec (FCSQ) accueille pour sa part favorablement la nécessité de baliser les accommodements raisonnables. «Toute la question des congés pour motifs religieux est au coeur des questions qui se posent», a indiqué sa présidente, Josée Bouchard.

Pour sa part, l'Assemblée des évêques catholiques du Québec appelle principalement à prendre du recul par rapport à la controversée question de la charte, en invitant «tous les Québécois et Québécoises à prendre le temps nécessaire pour se faire une opinion sans précipitation et après une bonne réflexion».

«Quelles que soient les différences d'opinion, il faut absolument un débat serein, respectueux et franc. Nous invitons également tout le monde à prendre part ensuite aux consultations qui ont cours», poursuit-on par voie de communiqué.

Les évêques rappellent également la publication, au cours de la dernière année, d'un message pastoral où ils affirment que «la laïcité est une notion qui s'applique à des institutions, et non à la société dans son ensemble», et qu'«il ne faut pas confondre, comme il arrive parfois dans le vif des débats, laïcité et opposition à la religion».

On soutient également que selon la Déclaration universelle des droits de l'homme, la liberté de religion implique la possibilité de pratiquer celle-ci «seul ou en commun, tant en public qu'en privé».

Dans le secteur privé, enfin, la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante, qui représente les PME, ne manifeste aucun enthousiasme face à cette charte. Bien que la présence de balises entourant les accommodements raisonnables puisse sembler souhaitable, «de façon générale, les chefs de PME sont assez réfractaires à tout ce qui est réglementation», rappelle sa vice-présidente, Martine Hébert. De toute façon, ajoute-t-elle, la question des accommodements raisonnables «est vue comme étant marginale dans le milieu et certainement pas prioritaire».

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