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Le Liban otage du conflit syrien

Le Liban otage du conflit syrien

La guerre civile qui déchire la Syrie depuis plus de deux ans a également des répercussions sur les pays voisins. Le Liban semble en effet renouer avec la violence sectaire.

Un texte de Ximena Sampson

Deux attentats, un premier à Beyrouth, dans le fief chiite du Hezbollah, un deuxième à Tripoli, au nord du pays, devant deux mosquées sunnites, ont fait, au cours du mois d'août, plus de 70 morts.

La division entre les partisans des rebelles syriens et ceux du président Bachar Al-Assad se reflète jusque dans la vie politique libanaise, puisque les différents partis se positionnent en fonction de leur appui à l'une ou l'autre des factions syriennes. Le Hezbollah a envoyé des combattants se battre en Syrie auprès des troupes du régime, alors que les sunnites appuient les rebelles.

Est-ce que le conflit syrien se transporte dans l'arène libanaise?

Pour Fabrice Balanche, directeur du Groupe de recherches et d'études sur la Méditerranée et le Moyen-Orient (GREMO) à la Maison de l'Orient, il est évident que les attentats des dernières semaines sont reliés au conflit syrien. Celui de Beyrouth visait à « punir le Hezbollah de prêter main-forte au régime syrien. Et le double attentat qui a eu lieu à Tripoli vendredi dernier [le 23 août] était clairement une réponse du Hezbollah », soutient-il.

Élie Fayad, éditorialiste au quotidien libanais L'Orient-Le Jour, estime que l'engagement des combattants du Hezbollah en Syrie a changé la donne. « Depuis cette implication du Hezbollah [...], les tensions montent au Liban et l'on sent que nous sommes en train d'exporter petit à petit le feu syrien au Liban », explique-t-il.

La milice chiite soutient être présente en Syrie de façon préventive pour lutter contre ceux qu'elle présente comme des extrémistes, qui pourraient tenter de s'implanter au Liban.

En avril, le chef du Hezbollah, Hassan Nasrallah, a d'ailleurs reconnu que ses combattants se trouvaient dans la région de Qousseir, au centre de la Syrie, où ont lieu des affrontements acharnés.

Selon M. Balanche, le Liban ressent les soubresauts de la révolte en Syrie depuis le tout début, dans la mesure où des cellules salafistes financées par l'Arabie saoudite se sont établies à Tripoli, envoyant des combattants, des armes et de l'argent en Syrie.

Le port de Tripoli est « le premier réceptacle pour les armes qui provenaient de Libye à destination de la révolution syrienne », soutient M. Balanche. C'est ce qui explique que la ville de Homs, à 150 km de Tripoli, soit devenue la « capitale de la révolution syrienne ».

« La guerre en Syrie a des retombées immédiates au Liban », constate, pour sa part, Élie Fayad. « Une partie des Libanais est pour le régime, une autre pour l'opposition. Ça correspond aux clivages et ne fait qu'aggraver les tensions. »

Le pays du Cèdre a longtemps été sous la tutelle du régime syrien, qui n'en a retiré ses 14 000 soldats qu'en 2005. Mais son implication n'a pas cessé pour autant.

M. Fayad souligne que « dans la mesure où il n'y pas de véritable ciment politique entre les différents groupes libanais, la Syrie a conservé une certaine marge de manuvre [...] et des possibilités de blocage, d'intervention et d'actions diverses sur le terrain. »

Nouveaux rapports de force à l'échelle internationale

Même si certains avancent l'hypothèse d'une implication de la Syrie dans les attentats au Liban, les analystes n'en sont pas convaincus, dans la mesure où Damas a besoin d'un allié stable.

« Si Assad déstabilise le Liban, ce sera mauvais [...] pour son régime », affirme Fabrice Balanche.

En revanche, croit le chercheur, ceux qui ont intérêt à déstabiliser le Liban ce sont plutôt les Saoudiens. « On est dans une guerre entre l'Arabie saoudite et l'Iran », soutient-il, dans laquelle la Syrie et le Liban représentent une zone tampon entre ces deux pôles géopolitiques.

Au-delà de la dynamique locale, entre les partisans du régime Assad (surtout les classes supérieures et les minorités alaouite, druze et chrétienne) qui dominent l'appareil d'État, et les classes sunnites populaires, qui ne font pas partie de cette élite et appuient les rebelles, il y a donc une opposition entre l'axe chiite (Iran-Irak- Syrie-Hezbollah) et les pétromonarchies sunnites du Golfe. Téhéran soutient le Hezbollah et le régime Al-Assad, tandis que l'Arabie saoudite et le Qatar financent les rebelles.

Enfin, à un niveau plus élevé, l'OTAN, dominée par les États-Unis, s'oppose à l'axe sino-russe qui appuie le régime syrien. « La Russie veut redevenir une grande puissance [...] et retrouver la splendeur politique de l'Union soviétique », estime Fabrice Balanche, alors que « la Chine, forte de sa puissance économique, cherche à jouer un rôle géopolitique à l'échelle mondiale. »

Dans ce contexte, « le but des Occidentaux et des pays du Golfe est de maintenir le conflit en Syrie pour affaiblir le régime syrien et l'Iran », estime Fabrice Balanche.

L'effort de guerre en Syrie coûterait à Téhéran des milliards de dollars annuellement, une dépense qui contribue à affaiblir son économie déjà exsangue.

Le chercheur fait un parallèle avec le cas de l'Afghanistan des années 80, où, explique-t-il, « les États-Unis ont entretenu un conflit de basse intensité contre les Soviétiques, de manière à entraîner l'URSS dans ce bourbier, ce qui a contribué à son affaiblissement ».

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