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Policier de Toronto accusé de meurtre : libéré sous caution?

Policier de Toronto accusé de meurtre : libéré sous caution?

L'agent torontois James Forcillo, qui a tiré sur Sammy Yatim en juillet dernier, espère obtenir une audience en cour mardi après-midi pour débattre de sa libération sous caution, après avoir comparu pour la première fois vers 10 h relativement à des accusations de meurtre non prémédité.

Vêtu d'un complet mais sans cravate, il n'a pas parlé durant la brève comparution d'une dizaine de minutes.

Son avocat a demandé une audience quant à la libération sous caution de son client plus tard mardi. Mais on ne sait pas pour l'instant si un juge aura le temps d'entendre le cas dès cet après-midi. Selon plusieurs observateurs, il est peu probable que le policier soit libéré en attendant sa prochaine comparution le 30 septembre.

Me Peter Brauti dit que la mort de Sammy Yatim, abattu dans un tramway alors qu'il était seul, un couteau à la main, a « changé la vie » de son client, qui est « bouleversé », selon le président de l'Association des policiers de Toronto.

L'accusé de 30 ans, à l'emploi de la Ville Reine depuis six ans, s'était rendu aux autorités plus tôt en matinée à un endroit qui n'a pas été rendu public, parce que l'agent a reçu des menaces.

La mort de Sammy Yatim, un jeune homme de 18 ans, a choqué de nombreux Torontois, qui ont vu des images de l'événement, saisies sur le vif par des témoins et publiées sur Internet.

L'Unité provinciale des enquêtes spéciales (UES), qui supervise le travail des corps policiers en Ontario, a déposé, lundi, des accusations de meurtre au second degré contre le policier Forcillo, concluant qu'il y avait « des éléments raisonnables de croire » que ce dernier avait commis un acte criminel.

La famille veut des réponses

La famille de Sammy Yatim rencontrera la presse mercredi. Dans un communiqué publié lundi, elle s'est dite « soulagée » que des accusations eurent été déposées. Toutefois, les proches de la victime souhaitent aussi que le travail de l'Unité des enquêtes spéciales fasse toute la lumière sur les actions des supérieurs du policier qui a ouvert le feu.

« Plus de 20 agents en uniforme étaient présents et pas un seul n'a tenté d'arrêter la fusillade ou tenté d'amorcer une médiation », ajoute la famille.

En entrevue à l'émission 24 heures en 60 minutes, le spécialiste des affaires policières Stéphane Berthomet a estimé que l'accusation de meurtre non prémédité était une conclusion logique à ce qui s'était passé.

Selon lui, la vie du policier n'était pas en danger. « Sammy Yatim était agité, peut-être très stressé, mais il ne représentait pas un danger direct pour le policier. C'est un cas d'école d'une situation qui a dérapé. »

Un chef d'accusation de meurtre au second degré implique que l'agent avait l'intention de tuer la victime, même si son geste n'était pas prémédité.

Or, selon l'avocat torontois Selwyn Pieters, l'agent Forcillo aurait dû plutôt être accusé d'homicide involontaire. « Ce sera plus difficile pour la Couronne de prouver qu'il s'agissait d'un meurtre au second degré, dit-il. C'est très rare de voir des cas de policiers accusés et reconnus coupables par un jury d'infractions sérieuses. » Il souligne que les jurés hésitent souvent à condamner un agent en service. Selon lui, la Couronne aura une tâche « herculéenne ».

La semaine dernière, plusieurs centaines de Torontois avaient défilé dans les rues du centre-ville pour demander que « justice soit faite ».

L'agent Forcillo était suspendu avec solde depuis les événements. Selon le président de l'Association des policiers de la Ville-Reine, Mike McCormack, le policier est « bouleversé » par les accusations. Selon plusieurs experts, il plaidera la légitime défense.

Pour sa part, la Fédération du travail de l'Ontario affirme que le dépôt d'accusations n'est qu'un « premier pas ».

Tout comme nombre d'organismes, la Fédération du travail demande une réforme de l'ensemble du système policier en Ontario. « Pourquoi les policiers n'ont-ils pas cherché à désamorcer la situation? demande le communiqué. Pourquoi le superviseur qui a utilisé un pistolet à décharge électrique sur Sammy après qu'il eut été atteint par balle ne fait-il pas l'objet d'une enquête? »

Le chef de police, Bill Blair, avait déjà remis en question le travail de ses agents dans cette affaire, nommant l'ancien juge Dennis O'Connor pour examiner les pratiques du corps policier lors d'interventions auprès de suspects perturbés.

Pour sa part, le président de la Commission des services de police de Toronto, Alok Mukherjee, a affirmé, en réponse aux doléances des proches de suspects abattus par la police au cours des dernières années, qu'il y avait eu « assez de morts ». Il a prôné des « changements significatifs ».

Plus de pistolets Taser?

L'ex-juge et avocat Dennis O'Connor examinera l'ensemble des pratiques de la police de Toronto, pour ensuite formuler une série de recommandations. Il examinera notamment les façons de faire d'autres services policiers, un peu partout dans le monde.

Le juge à la retraite doit entre autres se pencher sur l'utilisation des pistolets à décharge électrique. À Toronto, seuls les superviseurs peuvent en posséder un. Or, dans le cas de Sammy Yatim, un superviseur est arrivé sur les lieux seulement après qu'un autre agent eut ouvert le feu sur la victime.

M. O'Connor doit rendre son rapport avant la fin de l'année. Le chef Blair a demandé à la Commission des services de police de Toronto de le rendre public.

L'ombudsman provincial, André Marin, a lui aussi ouvert une enquête officielle sur les directives du gouvernement aux policiers qui interviennent dans des situations tendues. Il examinera les directives de la province données à la police sur la marche à suivre lorsque des agents doivent calmer un suspect dans une situation tendue.

Des proches de victimes torontoises ont demandé de le rencontrer pour tenter de trouver des solutions.

Vidéo des événements sur YouTube :