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L'insécurité alimentaire menace l'Égypte 

L'insécurité alimentaire menace l'Égypte

L'Égypte s'est faite très discrète sur le marché des céréales depuis les derniers mois. Malgré une hausse de 7 % de la production céréalière mondiale, les réserves de blé du pays seront épuisées dans deux mois, a prévenu un ancien ministre du gouvernement déchu de Mohamed Morsi.

Jusqu'à la veille de la chute du président Morsi, où elle a importé 180 000 tonnes de blé au pays, l'Égypte n'avait fait aucun achat sur le marché des céréales depuis le mois de février. Selon une source gouvernementale, les réserves tourneraient aujourd'hui autour de 500 000 tonnes, juste assez pour nourrir les 84 millions d'Égyptiens pendant deux mois. Passé ce délai, l'argent pour renflouer le garde-manger du pays risque de manquer.

« Les prix internationaux étaient bons quand nous avons acheté ces 180 000 tonnes de blé », explique l'ancien ministre des Approvisionnements, Bassem Ouda. Le gouvernement tente habituellement de garder en réserve l'équivalent de six mois en blé.

Il faut dire que la sécurité alimentaire des Égyptiens repose en grande partie sur le pain. À l'ère Moubarak, la hausse des prix du blé, liée à des problèmes d'approvisionnement, avait causé la colère du peuple. L'Égypte mélange son blé domestique avec celui d'importation pour produire de la farine à un ratio de 50/50, ce qui la rend très dépendante de l'approvisionnement extérieur. Le pays est actuellement le plus grand importateur de blé au monde.

L'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) a prévenu l'Égypte que ses importations de nourriture en 2013 doivent équivaloir à celles de 2012 si le pays ne veut pas plonger sa population dans l'insécurité alimentaire. Elle avertit aussi que la baisse des réserves en devises pourrait aboutir à de nouvelles restrictions sur les transactions de la part de la banque centrale, qui pèseraient alors sur les importations.

En attendant, le gouvernement intérimaire peut toujours compter sur une aide d'urgence de 12 milliards de dollars fournie par trois des pays les plus riches du Golfe - l'Arabie Saoudite, les Émirats arabes unis et le Koweït - lors du départ de Mohamed Morsi. Cette aide, qui a pris la forme de prêts, de barils de pétrole et de dons, fait dire aux économistes que l'Égypte a désormais quelques mois de répit pour redonner du souffle à son économie

Du côté de Washington, les États-Unis n'ont pas encore annoncé s'ils couperaient leur aide de 1,5 milliard de dollars accordée annuellement à l'Égypte. La loi américaine interdit de soutenir un gouvernement qui a pris le pouvoir par un coup d'État. Pour le moment, toutefois, Washington ne dit pas si l'éviction du président Morsi est un renversement militaire. Dans le passé, le département d'État a parfois pris jusqu'à deux mois avant de trancher des débats semblables.

Les nouveaux dirigeants égyptiens sont en tout cas optimistes et ont accueilli avec satisfaction jeudi des « encouragements » américains sur la mise en place de mesures de transition. Mercredi, le département d'État a dit que le gouvernement de Mohamed Morsi « n'était pas un régime démocratique ». « Ce que je veux dire, c'est que (...) 22 millions de personnes sont sorties pour exprimer leur opinion et dire clairement que la démocratie ne se réduit pas à gagner une élection dans les urnes », a expliqué la porte-parole Jen Psaki. Pour le porte-parole du ministère égyptien des Affaires étrangères, Badr Abdellaty, ces déclarations « illustrent une compréhension et une prise de conscience (...) », de la part des États-Unis.

Le Fonds monétaire international (FMI) a quant à lui annoncé jeudi qu'il refusait pour le moment de continuer à négocier un prêt de 4,8 milliards de dollars avec le gouvernement intérimaire. Le porte-parole de l'organisation, Gerry Rice, a déclaré jeudi que cette décision « était guidée par les opinions de la communauté internationale, et plus particulièrement des membres du FMI ». L'organisation refuse généralement de négocier avec des gouvernements qui n'ont pas été reconnus par la communauté internationale.

Enjeu énergétique

Les problèmes de sécurité alimentaire sont doublés en Égypte d'une instabilité énergétique de plus en plus difficile à contrôler. Là encore, les faibles réserves financières du pays contribuent à faire de l'énergie un enjeu crucial pour le nouveau gouvernement. Outre les longues lignes aux stations d'essence et les fréquentes coupures d'électricité, les infrastructures ne suffisent pas à remplir la demande en énergie, qui a continué d'augmenter depuis deux ans malgré les turbulences politiques.

Le départ des Frères musulmans du pouvoir a mis en veilleuses plusieurs accords énergétiques signés avec des alliés, comme le Qatar, la Libye et l'Iraq. Un projet de 250 millions de dollars, qui permettrait d'installer un quai flottant dédié à l'importation de gaz naturel liquéfié, est sans cesse reporté à cause de problèmes de financement et de mauvaise gestion. La demande pour ce type de gaz croît pourtant de 8 % par année en Égypte.

« C'est le désordre complet », dit une source impliquée dans le projet. « C'est comme si personne ne prenait de décision. »

Selon un expert de l'industrie de l'énergie, ce projet reflète les problèmes d'administration et de financement qui pèsent sur la construction d'infrastructures à travers le pays. Si certains espèrent que l'arrivée du gouvernement intérimaire va faire avancer le projet de quai flottant, d'autres affirment que les militaires, qui ont passé 17 mois au pouvoir avant l'arrivée de Mohamed Morsi, n'ont fait aucun progrès notable dans le secteur de l'énergie.

En 2008, l'Égypte est devenue un importateur net de pétrole. Avec une population qui augmente de 2 % par année, elle risque de suivre la même trajectoire avec le gaz naturel.

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